Ritual
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Ritual

Album de White Lies (2011)

Il y a deux ans, les White Lies, rejetons tardifs mais talentueux de la vague post new-wave apparue dans les années 2000, nous gratifiaient d'un premier album quasi-parfait dans son genre. Il va donc de soi que l'on attendait la suite avec une impatience non dissimulée, une suite qui, l'espérions-nous, viendrait confirmer ce formidable essai. Nous voici en 2011 et notre vœu s'est réalisé : il s'appelle « Ritual ».
Au niveau de l'identité visuelle, rien de très surprenant par rapport à l'univers développé par le groupe depuis sa médiatisation. La police de caractères est sobre et minimaliste, tout à fait dans le style de celles qui fleurissaient dans les années 80 (voir par exemple l'artwork de « Movement » de New Order)... Peter Saville, sors de ce corps ! La pochette, quant à elle, reste aussi énigmatique que leurs clips, moins sombre toutefois que la précédente. Elle invite à la réflexion et diffuse même un certain malaise : on s'interroge sur la relation entre ces deux filles, qui semble ambigüe, sur leur ressemblance, leur allure, leurs visages inexpressifs, ou sur le rapport avec le titre choisi pour le disque... Sans vraiment trouver de réponse. Pas le choix alors, il va falloir écouter pour comprendre ! Vous m'en voyez peiné... .
Le « méfait » fut accompli, et figurez-vous que j'étais un peu déçu. Mitigé quoi. Je trouvais la première moitié inspirée, réussie, la seconde un peu plus ennuyeuse, alors qu'elle était juste moins immédiate. Assurément, « Ritual » était, et est toujours, moins bon que son aîné. Il aura mis un peu plus de temps que lui à faire son chemin, mais il s'en sort finalement très bien ; en ce sens, le morceau d'introduction, « Is love », le résume parfaitement : au départ, on est un peu décontenancé par ses nappes de clavier déglingué, son rythme déconstruit, puis tout cela décolle efficacement, et l'on est même surpris par des sonorités nouvelles, qui viennent démontrer que les White Lies ne se sont pas contentés de nous fournir le minimum syndical, à savoir un plat réchauffé : il y a bien eu évolution. Et justement, elle passe tout d'abord par les synthés, beaucoup plus présents sur cet opus que sur le précédent, que ce soit lors des refrains (le single « Bigger than us », qui en impose sévère) ou des couplets (inutile d'énumérer, ce serait trop long). Notre trio semble donc s'inscrire dans cette mouvance qui s'est invitée dans la pop et le rock depuis quelques années, à savoir le retour du come-back de la mort qui tue des claviers, qui, jusqu'à récemment, et pendant longtemps, n'étaient plus tellement en odeur de sainteté. Bref, ce choix amène forcément, ici, une atmosphère un peu plus « planante » ou pesante qu'auparavant, selon la chanson. Autre nouveauté, qui se marie souvent très bien avec celle précitée : l'apparition, par petites touches, de gimmicks electro. Une chose que l'on imaginait pas forcément, mais qui étoffe un peu plus leur style et aurait tendance à les rapprocher, si l'on devait comparer, de Depeche Mode. « Ritual » a d'ailleurs été produit, en partie, par un certain Alan Moulder, un vieux de la vieille qui a collaboré avec les plus grands groupes de new-wave ou de rock indus'. Citons donc en exemple l'orgiaque « Holy ghost », l'un des meilleurs titres de l'album, « Is love », ou la conclusion « Come down ».
Dernier petit détail, qui a pourtant son importance : les chœurs, qui s'étaient déjà manifestés discrètement sur « To lose my life », prennent ici de l'ampleur. On en retrouve ainsi sur « The power and the glory », « Peace and quiet »... Cerise sur le gâteau qui tend à prouver qu'avec « Ritual », les White Lies ont voulu frapper un grand coup, en proposant un rock plus « expansif », atmosphérique, puissant, en grande pompe (comme peut l'être celui de Muse). Il reste pourtant étonnamment sobre, sombre et émotionnel, aidé par la voix convaincante de McVeigh, et cette alchimie maîtrisée constitue sans doute la plus belle performance de cet opus, bourré de mélodies efficaces, qui s'effacent parfois derrière des climats plus ouatés, des rythmes en contretemps. Une alternance que l'on constate à la fois dans le tracklisting et à l'intérieur même des morceaux. Dans la première de ces catégories, « Strangers » s'affirme comme une imparable réussite ; dans la seconde, l'enchaînement « Holy ghost » / « Turn the bells » envoie sacrément du poney.
Vous l'aurez compris, le délicat passage du deuxième LP est franchi avec brio par les trois acolytes des White Lies, qui ne réinventent évidemment pas la poudre mais proposent des compositions et des textes tristement romantiques ou désabusés, dignes de ceux de leurs mentors. Les amateurs peuvent se jeter sur ce disque sans crainte ; les autres le trouveront sans doute assez accessible pour lui témoigner un minimum d'intérêt, car pour ne rien gâcher, il s'inscrit bien dans l'air du temps. Voilà un groupe dont on n'a pas fini d'entendre parler... .
Psychedeclic
8
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Post new-wave : Top 55 Albums, Les meilleurs albums de 2011 et Les meilleurs albums anglais des années 2010

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le 22 déc. 2011

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Psychedeclic

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