Vieille chro' qui va sur ses 15 ans. Initialement parue sur Black Devotion
On peut sans aucune difficulté affirmer que SUP est l'archétype même du groupe culte : Un groupe établi dans son histoire et sa discographie, dont le talent est reconnu à l'étranger et une identité remarquablement unique... mais un groupe dont personne ne parle, ou presque. On en parle hein, mais j'ai le sentiment profond qu'il s'agit d'un public de niche, encore pire que pour Voivod. Pourtant, le groupe existe depuis la fin des années 1980 sous le nom de Suppuration, appellation qui fut cependant abandonné au profit de SUP (Spherical Unit Provided) avec cependant une exception pour "Incubation" album sorti en 2003, qui se démarque des autres par un certain regain en violence et en noirceur. Pourtant, depuis "Anomaly", SUP montre bien qu'il peut rester dans les eaux d'un metal extrême voguant entre death metal et doom, mais en expérimentant dans d'autres courants, avec notamment l'apport d'influences rock, des touches électroniques et même un certain engouement pour le style cold wave...
"Room Seven" est considéré comme une pierre angulaire dans la discographie du groupe : car en effet, l'opus touche à la quasi perfection, tout premièrement avec à une musique touchée par la grâce et l'inspiration sans limite des musiciens, mais aussi un concept intéressant, un artwork original et classieux (bien que considéré aujourd'hui comme kitch). Le concept est en effet loin de sentiers battus de death metal, traitant généralement de violences, d'un monde fou ou de films gore, mais semble se rapprocher néanmoins du doom ; Nous nous retrouvons dans la tête d'un enfant autiste, et nous suivons béat son parcours dans un rôle fictif de médecin travaillant en milieu psychiatrique. Et même si l'on ne plonge pas complètement dans une histoire (déclinée en six langues dans le livret), force est de constater que SUP offre là un album des plus intimistes qui existent dans le metal extrême, un de ces rares albums où l'on plonge au plus profond de nous-même, où l'on aperçoit notre moi entre lumière et ténèbres, dans cette mélancolie froide mais attirante...
Musicalement, l'étiquette doom/death est quelque peu trompeuse, puisque le groupe est arrivé à un point où il mélange sans complexes ses principales influences à savoir l'electro, le rock catchy et désespéré, mais aussi la cold wave glaciale et sombre ; L'album sonne comme une perfection de l'opus précédent avec son côté plus accrocheur et rentre-dedans (une batterie toujours mécanique mais plus humaine pourtant, des riffs plus rock et un chant clair abyssal soutenu par des growls caverneux mais compréhensibles !). Chose absolument géniale chez ce groupe est sa propension à interpréter à chaque titre des mélodies sublimes, intimistes, rock, pouvant vulgairement être assimilées à de la pop, mais cela se révélant trompeur ! SUP est bien trop mélancolique et froid pour cela, on sent parfaitement de la part des musiciens la volonté de faire paraître une dépression nerveuse, une âme assombrie devant le malaise humain...
Certains titres valent leur pesant d'or sans oublier que chacun est unique, oppressant et paradoxalement... beau ; "Bangs In My Head" et son mid tempo entêtant, soutenu par un chant mélancolique, ne reniant aucunement l'héritage de la cold wave, ses riffs saccadés et heavy (dans le sens mélodique mais lourds)... Ou encore le titre éponyme versant sur le refrain hypnotique et maladif...
SUP signe là ce qui est encore à ce jour l'un de leurs meilleurs albums, frais mais oppressant, racé mais lourd, mélodique mais pourtant difficile d'accès, et en un mot : un chef d'oeuvre absolu.