C’était le début des années 80. Le label 4AD importait de l’Orient une musique inconnue de la jeunesse occidentale et ce, via deux artistes fondateurs. Coup sur coup Dead Can Dance (avec une Lisa Gerrard ayant vécu dans un quartier ethnique de Melbourne et imprégnée donc de ces musiques) et le Mystère des voix Bulgares nous familiarisaient avec ces voix d’outre-tombe ou d’outre-monde, ces ambiances médiévales de chants grégoriens couplés à des percussions arabisantes. Cette musique semblait venir tout droit du passé (Hildergarde Von Bingen en grand ancêtre du XIe siècle) sans avoir été édulcorée, souillée par le temps. Un vrai choc qui ne pouvait être le fruit que deux artistes d’exception. Or, ce qui pour nous une musique à nulle autre pareil est pour d’autres une musique faisant partie d’une vraie culture identitaire et populaire.
Comme la pop par chez nous. Voilà pourquoi, on ne doit pas être nullement surpris de retrouver avec Irfan, cette musique que l’on croyait unique. Le trio est Bulgare, un pays des Balkans géographiquement tourné vers l’Orient et à l’Histoire plusieurs fois millénaires. Plus le même choc mais Irfan mêle dans sa musique tout cet héritage et sort de ces orchestrations enchanteresses (avec un florilège d’instruments traditionnels) des mélodies qui vous transportent (Fei). La musique d’Irfan est parfaite pour le recueillement et l’élévation spirituelle mais aussi pour partir dans une transe. Peut-être qu’au fin fond de la Bulgarie (mais aussi de la Roumanie, de la Moldavie…) se trouvent d’autres groupes encore plus talentueux que Irfan. Peut-être que nous ne sommes pas les mieux placés pour juger ce genre de musique – car elle ne fait pas partie intégrante de notre culture. Quoiqu’il en soit, en se laissant aller à juste faire parler ses sens, Irfan fait une musique belle et intrigante.