Plus qu'un album d'inédits, un petit concentré de l'art musical de Sylvain Chauveau. Un plaisir simple pour une musique de la sensation qui, en dépit de leur style entre classique et expérimentation, touchent plus le coeur que l'intellect.
Sylvain Chauveau occupe une place à part dans le paysage musical. La formule est souvent galvaudée quitte à devenir clichée mais avec lui, disons qu'elle semble un peu plus justifiée que la normale. Tout le monde n'a pas commencé dans l'énergie d'un rock post-grunge pour finir par devenir de"la musique contemporaine" (osons le mot). Pas tout le monde accumule autant les projets (Micro:mega, Arca, On, O, ...) comme autant de facettes d'une personnalité complexe. Pas tout le monde - français en l'occurrence - ne fait partie du label de référence anglais, Fat Cat records, (Sigur Ros, Breton, Maps and Atlases, Nina Nastasia...entre autres).
Depuis 1998, Chauveau a sorti pléthore de disques, que ce soit en groupe ou en solo mais tout n'avait pas encore été livré. D'où cette idée de, mettre en lumière, des pièces inédites assorties de raretés - ou en tout cas, perçues comme telles par son auteur. Ressortir en effet, des extraits de la bande originale de Des Plumes dans la tête (le disque existe déjà même s'il est resté sans doute trop confidentiel) n'était peut-être pas absolument nécessaire. Si ce n'est que cela, nous remémore à quel point la sensibilité musicale de Chauveau se prête parfaitement à la musique de chambre, des cordes à la Ravel, un piano à la Satie (je simplifie évidemment). L'album de reprises de Depeche Mode entrepris -et réussi ! - par le Français sur son album Down to The Bone, l'avait, par ailleurs prouvé., Mais si l'on considère, les mélodies de Martin Gore comme autant de petites roues permettant à l'auditeur de rester sur la route d'une musique, sortant par ailleurs, du cadre de la, pop, à l'écoute des Plume sur la tête, situation finale, et Pour les Oiseaux (tous extraits de cette fameuse BO), on se dit que la musique fonctionne tout autant sans, qu'elle est aussi, voire même plus belle ainsi. Car l'art musical de Sylvain Chauveau s'exprime dans l'épure, dans cette volonté de retranscrire une sensation, une émotion sans en rajouter de trop. Sur ses oeuvres orchestrales et donc pas vraiment épurées, le Français se positionne dans la grande famille des compositeurs de film (Beast, Strangers forever, For C, ont la majesté d'une musique de Delerue), mais là où un Craig Armstrong en rajouterait dans l'emphase et, tartinerait sa musique, de couches et re-couches, de violons sur six minutes, Chauveau installe une musique magnifique, , pour l'arrêter brusquement à , une : il n'en propose qu'une ébauche ou tout au moins, que le début, et cela n'en est que plus touchant. Les 5' de musique supplémentaires que proposeraient un Armstrong ressemblent dès lors, à une redite, à cette portion de crème en trop qui rend la musique indigeste. Chauveau a toujours le sens de la mesure et la bonne idée de s'arrêter avant, quitte à être frustrant.
Ailleurs, le côté less is more du compositeur est encore plus flagrant. Sur "Within The ordely Life", les silences qui entrecoupent le piano et le violon, font partie intégrante de la musique et rythment par l'absence un profond sentiment de mélancolie. Chez lui, il y a le certitude que le silence est parfois encore plus beau que la musique et qeu son travail est justement la dernière étape avant le silence (dernier titre du disque, comme un aveu). "Within The ordely Life" intègre aussi un autre élément musical présent dans l'oeuvre de Sylvain Chauveau, une électronique dont les applications les plus expérimentales sont largement absentes du disque à l'exception. Au Nombre des Choses, et Anthracite flirtent avec l'abstraction, entre ambient et musique concrète (n'y aurait-il pas d'inédits de la période S ?). Autre absent, il n'y, pas stricto sensu de pièces pour piano seul, (période Nocturne Impalpable), même si Le brasier de la tristesse (quel beau titre !) s'en rapproche grandement avec comme seul compagnon de spleen nocturne, un violoncelle discret. D'un autre côté, Notre étrangère, titre post-rock, avec une guitare électrique comme instrument principal, fait le lien avec le passé rock de Sylvain Chauveau. Là encore c'est magnifique et cela ne dure qu'...une minute. On ne se refait pas.