Quand les New-Yorkais de Jolly ont lancé The Audio Guide To Happiness part 1 en 2011, le projet était des plus ambitieux : réaliser un album qui rend heureux. Voici maintenant la deuxième partie de ce guide audio du bonheur, et le temps est venu de constater la réussite ou l'échec du projet. Alors, suis-je plus heureux depuis que j'ai écouté The Audio Guide To Happiness parts 1 & 2 ?
Eh bien oui !
Un grand oui, un putain de oui, un oui franc et massif, ce diptyque est une franche réussite et surtout sa deuxième partie, qui nous intéresse aujourd'hui, un sacré chef d’œuvre ! J'ai été complètement emballé par cet album, ses ambiances énergiques, ses riffs puissants, se mélodies chatoyantes, sa production parfaite, son absence totale de passages foireux, et surtout une utilisation forcenée de cet instrument rare et magique, le glockenspiel.
Aussi appelé carillon dans les écoles primaires, ce petit xylophone en métal est a priori un instrument d'orchestre, surtout utilisé en dehors des fanfares de villages et autres symphonies du XIXème par des groupes de pop « carillonnante » (mouahaha) du style Beatles, Beach Boys ou Divine Comedy. Quelle joie, quels délices de découvrir tant de morceaux de cet album ponctués par de superbes partitions de glockenspiel, vraiment, ça m'a rendu heureux.
Vous pensez que je suis en train de me foutre de vous, et d'eux par la même occasion ? Hum, j'avoue, quelque malice s'est glissée dans ce texte, tout est vrai, mais peut-être que certaines tournures de phrases ont été exagérées... Laissez-moi vous expliquer pourquoi.
Quand je découvre un album ça se passe toujours en plusieurs temps. Premier temps, première étape, j'écoute le premier morceau une première fois, ce qui me suffit pour déterminer si je peux jeter le truc direct, ou avancer un chouilla. Je suis donc directement tombé sur une voix féminine et robotique qui me recommandait d'écouter la première partie si ce n'était pas encore fait, malin les gars. Je zappe donc l'intro et j'écoute le deuxième morceau : Firewell, un exercice réussi de djent-prog assez puissant, et dont les subtilités mélodiques ne m'ont pas sauté aux oreilles du premier coup, mais qui m'a sur le moment assez accroché pour que je me décide à lui accorder une seconde chance, plus tard, peut-être.
Deuxième étape, une écoute sérieuse, au casque, de l'album en entier. Et là, shazam, le coup de foudre, le choc frontal, la collision intersidérale, je tombe amoureux de l'album, de sa profondeur, de sa variété, de son break de reggae, de son glockenspiel, de sa dimension mélancolique, et d'une ironie douce-amère qu'il me semble alors déceler dans les textes et surtout dans cette voix monocorde qui accompagne certains morceaux. Étape trois, je l'écoute en boucle pendant une semaine, jusqu'à le connaître par cœur, et puis je me décide à m'intéresser au groupe, à ce qu'ils font, à qui ils sont, au premier album, et au pourquoi du comment.
La puissance mélodique de Jolly est juste ahurissante : leurs mélodies restent bloquées en tête, elles sont belles, fluides et dégagent effectivement une puissance qui fait du bien. Tout est bon dans le Jolly, mais certains morceaux sont très très bons. Aqualand and The 7 suns par exemple, qui après une douce intro acoustique est une merveille de notes scintillantes. Ou Golden Divide, plus épique, qui alterne le heavy lourd et la pop entraînante.
Cet album est un véritable OVNI, qui, je l'avoue, exigera de vous que vous soyez amateurs de Dream Theater, Mastodon, Pink Floyd, QOTSA, et puis les Beatles et Coldplay. Et un autre grand du prog nord-américain, vous avez le choix, Savatage ou Rush. Prenez Rush, Savatage ça daube. J'exagère bien sûr, mais c'est pour vous dire à quel point cet album est beau dans son aspect complet, total, varié, touche-à-tout.
La fin de cette deuxième partie, celle qui sera nommée Achieving Happiness, est sublime. Le court et joyeux Lucky précède le très pop While We Slept In Happiness Shadows, tout en mélancolie et sonorités synthétiques, allez savoir, je trouve que ça va bien ensemble. Despite The Shell, plus prog, est à nouveau un récital de glockenspiel, et As Heard On Tape, aux effluves délicates, propose de s'apaiser un peu, avant le masterpiece, le final qu'est The Grand Utopia.
Pour nous dire adieu, Jolly jette ses forces dans la bataille, et met les petits plats dans les grands. Rythmes saccadés, riffs lourds et puissants, grand piano et petits bidouillages électroniques, mélodies tristes à pleurer, fredonnements éthérés, rires de petites filles, glockenspiel à foison, le tout dans une atmosphère de joyeuse fin du monde. Et, surplombant la masse de son timbre si précieux, Anadale nous livre une performance proprement exceptionnelle, s'imposant comme le chanteur le plus doué du moment, rien que ça. Pourtant, lorsque la voix robotique nous informe que ça y est, nous sommes heureux (Congratulations, you are now happy), ce n'est de loin pas le sentiment qui prédomine.
Déjà, l'album est terminé, et va maintenant falloir attendre le prochain de Jolly, et on risque de devoir attendre un peu puisque lors de son passage à New-York, l'exubérante Sandy a gentiment dévasté leur local de répétition et leur matos. Sympa. Et puis, malgré tout, je reste sur cette sensation aigre-douce, comme si le fameux bonheur offert par Jolly n'était qu'un bonheur factice, à la 1984. Lors de mes premières écoutes, avant de connaître le fond de leur démarche, je pensais que cette notion de bonheur était à prendre au second degré, et que ce bonheur n'était qu'illusoire, passager, et inutile, impression laissée par l'atmosphère du dernier morceau, qui se nomme, je vous le rappelle au passage, The Grand Utopia. Peut-être que je n'ai rien pigé, c'est très possible, et que c'était ironique depuis le début. En tous cas ce n'est pas ce qu'explique leur bio.
Quoi qu'il en soit, malgré ce léger défaut conceptuel, Jolly réussit parfaitement son coup, et nous livre un album magnifique qui fait beaucoup de bien, non pas à cause d'une technique particulière, mais grâce à son talent d'écriture et d'interprétation. En fait, pour en fournir de la bonne (musique), il suffit d'être bon, et d'avoir de bonnes idées : le plus dur reste à faire pour Tobias Sammet.