Ce tigre a pour tout pelage une mèche rebelle qui lui couvre les yeux et le cuir de son blouson comme seconde peau. Tels un coup de griffes, quatre titres sur un EP sorti en janvier dernier avaient suffi pour que nous proclamions Bosco Delrey roi de la jungle et attendions l’album avec la tachycardie d’une gazelle traquée. C’est désormais chose faite : THE GREEN TIGER’S ALIBI sort le 14 avril : attention, ça va rugir !

On lance l’écoute, on tend l’oreille. Surprise : c’est « I Wonder So » qui est envoyé en éclaireur. Un titre doux, soyeux même, que l’on n’imaginait pas forcément en ouverture mais qui annonce d’entrée l’influence d’une autre tête à crinière : Marc Bolan. Plus encore que le roi Elvis, auquel on peut penser pour le combo « beau gosse-banane-blouson », c’est dans les pas du chanteur de T-Rex que Delrey puise sa majesté. Les titres aux influences rockabilly-glam (en grand nombre sur l’album) sont ainsi tous des réussites absolues, des singles potentiels aux mélodies immédiates et aux gimmick contagieux. Outre l’imparable single « Egyptian Holed Up », dont on semble décidément ne pas vouloir se lasser et ne souffre donc pas de l’effet nouveauté des autres titres, on ronronne de plaisir dès la première écoute de titres comme « 2020 Beware », « Serpent Slap Kiss » ou « Rave Anthems » (clap clap !). Des chansons qui nous font déjà danser, rêver de clips et de scène, et évoquent l’évidence mélodique des sixties, époque dorée où une voix et une guitare pouvaient à elles seules faire rugir une foule. De sa voix, parlons-en, justement : à la lisière entre flegme et sensualité, profonde et pourtant planante. Si Presley, alors le groover au phrasé haché de « Don’t Be Cruel » ; si Bolan, alors le doux poète de « Cosmic Dancer ».

Mais sans nier la classe de ces félines parentés, ce lion ne serait-il qu’un inoffensif copycat ? Un Ben l’Oncle Soul à la sauce rock ? Non, car comme sur la pochette, Bosco dévoile, en filigrane, sa patte. C’est ainsi qu’au détour de la neuvième piste, la bête sort de ses sentiers rebattus et nous prend par surprise. « Exquisite Libs », titre complètement à part, parenthèse inattendue mais follement réussie dont les nappes de violons synthétiques évoquent une variation moderne du « Lux Aeterna » de Clint Mansell, dont la construction tout en soubresauts alterne entre un phrasé plus parlé et des envolées planantes. Loin des ritournelles irrésistibles qu’il compose avec une facilité déconcertante, Bosco signe avec ce titre une page plus complexe et cinématographique, preuve s’il en est qu’il en a encore sous le capot.

En bref, un album qui mélange influences et modernité avec habileté et intelligence, un univers à nul autre pareil dans le paysage actuel et des mélodies qui risquent de vous contaminer toute l’année. Qu’on se le dise, ce tigre-là a définitivement du chien.
CLaze
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le 29 avr. 2014

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