…walecrou, walecrou, walecrou, walecrou !
Rien qu'entendre ce son devrait rassurer tous les fans. Ce son, il signifie la fin d'un long silence de 6 ans. 6 ans qu’on avait plus entendu parlé du Stupeflip Crou. Et pour cause : suite à de mauvaises ventes de Stup Religion, leur label BMG **avait décidé de rompre leur contrat, les laissant sans adresse. Persuadé que la source est tarie, on crut que le Crou fut tut. Mais c’était sans compter sur la témérité de **King Ju, leader du groupe. Le gang bossa en indépendant, et grâce à la vente du Terror Maxi, il put financer le nouveau concept qui se propagea jusqu’à atterrir dans les bacs en 2011.
Et une chose est sûr, le Crou a besoin de VENGEANCE !! Leur première chanson, sûrement la plus populaire, la célèbre Stupeflip Vite !!! fait état des choses : tu les croyais morts, manque de bol ils reviennent forts, encore plus tarés ! Et dès le début de cet album, les lapins puristes craignent quelque chose : Stupeflip a décidé de se rendre encore plus accessible, mais cette fois-là, on ne serait pas tout doucement en train de faire de la musique commerciale ?
Heureusement, non. Car même si les samples paraissent beaucoup plus sympathique (il n’y a qu’à comparer les boucles de Stupeflip, Krou Kontre Attakk et Stupeflip Vite !!!) dû éventuellement au fait qu'il n'y ait plus de guitare, le texte reste toujours aussi travaillé, avec son jeu sur les allitérations (par exemple l'exquis Gem Lé Moch' dénonçant la "fausse beauté" des p'tites meufs toutes si fines, avec toutes des p'tites bottes courtes, mais de manière très crue pour le rendre drôle).
Mes tablatures tuent c’est excellent quand je mixe ta mère
Le Crou semble avoir mûri, même s’il perd une partie de sa cracra-itude. Pop-Hip en fait de même, en réalisant des chansons qui sonnent beaucoup plus années 80, moins de guitare, plus de synthés, et surtout plus de chansons moralisatrices : ce sont des chansons d’amour (toujours nazes ceci-dit). Mention spéciale à Ce Petit Blouson en Daim, qui serait presque à montrer que Pop-Hip posséderait une qualité d’écriture du fait qu’il nous envoie un plot twist alors que personne s’y attendait. Ou alors ça a été écrit par quelqu’un d’autre.
Étrangement, malgré l’excellente note que je lui accorde, je me vois obligé de lui faire quelques reproches. L’album est beaucoup moins lié qu’auparavant, ce qui fait des trous assez moches (Rappelons-nous que Stup Religion n’a aucun moment de silence du début jusqu’à la fin). De plus, les interventions de Pop-Hip sont un peu moins réussies, certes on se fout de sa gueule autant qu’avant (alors qu’on ne devrait pas), mais les incrustations sont bien moins fluides. Pourtant, l’idée de rajouter une radio n’était pas de refus.
Et bien évidemment, vous allez me traiter de lapin sectaire, mais cet album "gentil" ne fait pas le meilleur effet sur moi : je préférais quand ça crachait ! Pour la simple raison que les chansons engagées, celles qui dénonçaient une quelconque chose perdent de leur valeur. Par exemple, je préfère largement L'enfant Fou au Spleen des Petits parce que étant plus dur, on a plus de mal à écouter, on est plus impliqué ; alors que l'autre paraît bien trop mignon pour qu'on s'en préoccupe réellement. Pareil pour Hater's Killah, les paroles sont vachement cool, mais desservie par une boucle à bon goût trop simple pour être réellement dans les propos. La preuve, je trouve que ça passe beaucoup mieux avec une instru méchante.
Je terminerai par le fait que si Stupeflip s’ouvre au public "facile", c’est qu’il continue un éclectisme toujours plus grand. Le premier album était volontairement totalement anarchique, dérangeant, brouillon ; le deuxième était très rude, ce qui lui donnait une certaine continuité ; The Hypnoflip Invasion se distingue par ses multiples horizons : Pop des 80’s grâce à ** Pop-Hip**, du hip-hop énergique tel Stupeflip Vite !!!, du hip-hop plus doux tel Apocalypse 894, texte en prose tel l’amusant Lettre à Mylène, mais toujours du son cracra comme on aime tel le violent Check Da Crou !
La fin de l’album se révèle mystérieuse. Après la violente mort de Pop-Hip, on a cette étrange interlude Keep the Faith, où un homme chuchote "Oooh raté" ou "arrêtez". Il s’agirait de garder la foi au sujet de la mort, donc - ratée - de Pop-Hip ? En tout cas, on entend King Ju dire « C’est quoi ton nouveau pseudo, Cadillac ?», lui qu’on a pas entendu depuis Stupeflip Vite !!!, soit la première chanson ! L’interlude mène à Région Est, qui se révèle bien prenante elle aussi. D’abord la traditionnelle série de dédicaces aussi importantes qu’improbables (on retiendra les côtes de porc et le Yop chocolat) , puis une intervention de MC Salo plutôt rigolote pour finir sur Le Crayon Titi. Comme beaucoup de chansons de Stupeflip, en apparence elle paraît amusante, simplette, voire débile, mais avec un second niveau de lecture elle se révèle bien plus tragique. C’en est presque une chanson personnelle de Julien Barthélémy. Aucune mention de l’univers du Crou. King Ju semble vouloir s’excuser d’avoir fait attendre les lapins si longtemps, il tente de vouloir les aider pour pouvoir les égayer, il parle de Stupeflip, ce concept, comme d’une véritable personne, il voudrait tellement en faire plus, mais il est emporté par le lointain en terminant sur ces mots :
Mais non, il t’a pas laissé tomber, il est là maintenant