King Ju le perfectionniste
La première chose qui m'a sauté aux yeux avec Stupeflip (et surtout aux oreilles) c'était cette capacité à inventer des instrumentales de qualité. Elles foisonnent dans leur album, et cela depuis le premier opus. Je me décevais moi-même en découvrant ce groupe sur le tard avec ce troisième album. Moi, jeune fan d'Eminem, attiré par les sons bien produits, les ambiances rebelles et hip hop, je sais que si j'avais découvert Stupeflip avec leur premier album j'aurais été un fan de la première heure mais le fait est qu'après Stup Religion King-ju a dû jeter l'éponge, faute de ventes trop faibles, et le projet est resté longtemps au placard.
J'ai découvert cet album à sa sortie et j'ai de suite sauté sur les deux autres opus. J'ai découvert un univers, un délire, tout une fan base et c'est ce qui ressort souvent dans les critiques des fans du CROU, mais on parle trop peu souvent du côté technique de la chose. Pourtant elle a son importance.
King Ju est un super bon beatmaker. Il est créatif, il aime le hip hop gras avec des bonne basses à la Wu Tang Clan, les guitares languissantes de Air, le rap métaphorique à la Booba (c'est véridique) et les sons synthétisés de Mylène Farmer. Ses influences modèlent sa musique. On retrouve chez lui tous ces sons toujours bien menés. Déjà dans le premier album on passait d'une instru géniale à une autre. L'intro était l'exemple parfait de ce style : un mélange entre scratch de hip-hop et guitare saturée de metal. Et il y avait tellement d'idées que parfois on trouvait même des instrus entre les morceaux, ainsi l'album s'écoutait d'une traite et n'avait aucun passage à vide.
The Hypnoflip Invasion n'a rien perdu en créativité, il est simplement plus accès hip hop au détriment de l'influence punk qu'on pouvait trouver dans les premiers albums. Mais King Ju ne le cache plus. C'est le Rap qu'il aime, les instrumentales hypnotiques, riches en sons étranges qui tournent en boucle. Cet album suinte d'idées. Les morceaux Hip Hop sont des tueries que les meilleurs rappeurs auraient pu produire.
"Stupeflip Vite" : un single fracassant qui fait penser à l'école du micro d'argent.
"La Menuiserie" : un espèce de rapcore torturé et rapide
"Check Da Crou" : du hip hop lourd avec des guitares de metalleux en guise de refrain
"Apocalypse 94" : une instru énorme, qui prend au tripe, un vrai bon morceau de rap.
et ainsi pour tous les morceaux...
On trouve aussi des morceaux plus pops, toujours aussi bien produits. J'adore "Gaelle". Quel morceau ! Des vieux synthés de new wave avec un refrain pop rock étrangement beau. Le truc aurait pu passé à la radio si ça n'avait pas été Stupeflip. "Lettre à Mylène" démontre toute le technique de King-ju à créer des sons parfaits et à jouer sur les ambiances. Et comme c'était le cas avec les deux albums précédents, cette créativité, trop foisonnante, se trouve être bien répartie dans l'album et est utilisée à bon escient quand King-Ju décide de la placer dans de petits interludes qui n'ont rien à envier aux autres titres. "Dark Warrior", "Keep The Faith" ou même les transitions entre les morceaux. Que des instrus géniales ! A chaque fois je me dis : « Ouah ! Le son a duré dix secondes et il vient de m'emporter dans une ambiance de malade ». Et c'est ça que les gens ratent trop souvent ! Ils ne voient en Stupeflip qu'un petit groupe punk, rigolo qui gueule dans un micro. Pour moi c'est bien plus que ça.
C'est le projet d'un mec qui adore la musique, qui adore offrir à ses fans un travail toujours parfait. Oui King Ju est un perfectionniste, rien n'est délaissé dans ses albums. Même les paroles, qui peuvent paraître farfelues au premier abord, participent à la musique. Elles génèrent d'abord un récit qui raconte un univers absurde et fou (complété par le style graphique des pochettes dessinés par Ju lui-même et par les concerts aux ambiances folles) mais sont aussi un rap purement musical. Je m'explique. King-ju adore les assonances, les allitérations, les rimes improbables, il fait du rap au sens musical car pour lui le choix du mot porte plus sur le son qu'il produit, que sur le sens, mais quand il fait sens c'est encore mieux. C'est ça que j'aime dans le rap !!! la musicalité des mots !
"Ouais, Knick-knack paddy whack, c’est Rascar Capac
Ma technique te snack, mon meilleur pote c’est mon mic'
mec, j’aime mon hamac mais ma technique te nique
J’suis trop esthétique quand j’ai bu deux gin tonic"
Je ne pouvais qu'aimer Stupeflip. Il réunit tout ce qui me fait vibrer dans la musique. Le son des instrumentales, le son du rap, des mots, le panel d'ambiance, la variété des plages musicales, l'univers porteur de sens et de propos et l'esprit rebelle. Et entre les trois albums de Stupeflip, auxquels j'ai donné la même note, je choisis celui-ci car c'est avec lui que j'ai découvert le groupe et c'est lui que je trouve plus aboutit. Surement parce qu'il est foncièrement hip-hop.
Un très bon album de rap. Déjà un classique.