Retour en arrière au temps du son qui vrille la tête, 91 92 93 le temps des cassettes...
Autant poser tout de suite ce qui est évident : The Hypnoflip Invasion se dispute la place de meilleur album de Stupeflip avec Stup Religion. Ouais, ça veut dire qu'on a droit à du lourd, du très lourd, à un truc de gaga qui bousille l'estomac !
Premier constat, Hypnoflip est encore plus accessible que Stup Religion qui faisait déjà quelques concessions afin de récolter quelques fans de plus (ce qui n'a pas vraiment fonctionné, mais bon...). Mais comme d'habitude, c'est pas la soupe qu'on nous passe à la radio, c'est du bon stup, du vrai ! CHECK DA CROU MADAFAKAZ !
D'ailleurs, Hypnoflip met un méga coup de latte à Stup Religion grâce à ses textes mieux écrits que jamais ! Cette fois, Ju' est plus direct dans ses propos, plus compréhensible. Ceux qui n'arrivaient pas à comprendre le message de fond de Stupeflip pourront enfin y voir plus clair. Stupeflip Vite est justement un des morceaux portes-étendards du CROU et permet de diffuser ses principes plus facilement. On sent clairement la volonté de Stupeflip d'ouvir leur musique à un plus large public, afin de se faire un peu d'argent (encore raté) et, accessoirement, de s'imposer dans l'industrie de la musique. Cependant, malgré des sonorités moins agressives et bizarres, des textes plus clairs et un King Ju' qui crie moins, on reste bien en présence d'un album de Stupeflip, c'est-à-dire un OMNI (Objet Musical Non Identifié).
L'ambiance est cette fois plus bariolée, un peu psychédélique, moins noire que Stup Religion. Pourtant, paradoxalement, Hypnoflip est plus pessimiste, que ses deux prédécesseurs, il est plus désespéré, ce qui tranche radicalement avec la musique, plus sautillante que jamais. Cette légèreté musicale est certainement due à cette volonté de faire un hommage à la zik des années 80/90, avec de bons gros synthés comme on les aime. En fait, je crois que c'est l'album le plus difficile à expliquer avec des mots, il n'a pas forcément de ligne directrice bien définie comme Stup Religion et ne bénéficie pas d'un merdier ambiant comme celui du premier album. Stupeflip est plus que jamais fidèle à ses principes.
Néanmoins, je suis un peu déçu par la régression marquée par Hypnoflip au niveau de la cohésion globale de l'album. Comme je l'ai dit plus haut, contrairement à Stup Religion, The Hypnoflip Invasion n'a pas de thème faisant de son ensemble de morceaux un tout cohérent. Du coup, l'immersion s'en ressent et on regrette un peu ce choix pas très judicieux. Heureusement, comme d'habitude, les interludes sont divins, peut-être même encore meilleurs que dans les précédents albums !
J'ai personnellement été très impressionné par The Hypnoflip Invasion, qui arrive magistralement à concilier ouverture à un plus large public et désir de se démarquer. Par exemple, les morceaux de Pop-Hip n'ont jamais été aussi écoutables. Toutes autant qu'elles sont, que ce soit Gaëlle, Le Petit Blouson en Daim, ou Le Coeur qui Cogne, les chansons censées remplir durablement les caisses de l'ASFH sont un plaisir à écouter et rappellent agréablement les années 80 et leurs musiques hautes en couleurs.
Certains morceaux méritent qu'on s'attarde sur eux, comme Sinode Pibouin, une des rares chansons un peu engagées de Stupeflip, qui rappelle le très rentre-dedans A Bas la Hiérarchie. Il y a aussi Gem Lé Moch', qui est un peu le point noir purulent mal dégrossis au milieu de l'album, tant il a l'air de n'avoir rien à y foutre. Cette chanson est certes drôle, mais assez décevante d'un point de vue strictement musical. Enfin, il me vient à l'esprit l'excellentissime Hater's Killah qui part sur un sujet bien précis dans le premier couplet puis se perd en route pour parler de choses et d'autres, des trucs qu'on comprend et d'autres qu'on saisit moins. On la réécoute donc plusieurs fois pour la comprendre et à chaque fois, c'est le pied intégral. Y a pas à dire, Stupeflip, ça s'écoute au calme, avec de bonnes enceintes ou avec un casque sur les oreilles...
Voilà, une critique un peu bordélique qui certainement ne fait pas honneur autant que je le souhaiterai à ce monument de la musique française qu'est The Hypnoflip Invasion. J'ai vécu une expérience intense en écoutant cet album. Région Est m'a presque foutu une larme à l’œil, ses paroles sincères et sa musique mélancolique prend grave aux tripes. C'est une chanson qui montre la fragilité de l'artiste. King Ju n'est qu'un (épouvantable) épouvantail, qui cache un être humain comme les autres, fragile, vulnérable aux aléas de la vie et profondément attaché aux valeurs qui le guident depuis l'enfance. L'enfance est d'ailleurs un thème toujours présent dans cet album et ne manque pas de nous rappeler la cruauté dont peuvent faire preuve les enfants et combien ces derniers subissent la vie de plein fouet, comme une sanction de leur innocence qui sera trop vite perdue et qu'il est difficile de retrouver. The Hypnoflip Invasion est mélancolique, triste, nostalgique, il nous rappelle que le temps passe et qu'il n'y a aucun moyen de rattraper des erreurs déjà commises. On ne peut qu'aller de l'avant et faire en sorte de vivre du mieux possible, de la manière qu'on l'entend, dans un esprit de tolérance, de pardon et d'altruisme. Stupeflip, c'est pas n'importe quoi. Stupeflip, c'est beau.
