En 2013, Brian "Head" Welch a fait son retour chez KoRn sans se rôder préalablement en live, et le résultat de ces sessions était mitigé : ça et là, on retrouvait vaguement le son de la période Untouchables, mais la production lisse et formatée de Don Gilmore ne leur convenait tout simplement pas. KoRn n'est pas un de ces groupes qui doit avoir un son trop propre, et le producteur de Linkin Park n'a rien compris à leur musique. Depuis le départ du guitariste tourmenté début 2005, je savais que s'il revenait un jour, le temps du bilan se ferait non pas au premier mais au deuxième album de la nouvelle ère. Il faut en effet du temps pour retrouver une alchimie au sein d'un groupe, et pour que KoRn redevienne KoRn, il fallait obligatoirement que Head et Munky passent à nouveau quelques années à jouer et écrire ensemble.


Trois ans plus tard, le groupe de Bakersfield sort son douzième album, et on note de sensibles améliorations, notamment en ce qui concerne la production : Nick Raskulinecz a fait des merveilles, et on retrouve le son de la période Untouchables, avec en prime quelques scratches ça et là. Comme sur The Paradigm Shift, il y a aussi quelques touches d'électro, mais elles sont intégrées de manière plus subtile au mixage final et ne donnent plus l'impression d'avoir été rajoutées à la dernière minute suite à un caprice de Jon Davis. Mais l'essentiel, c'est que les guitares sont à nouveau massives, et que la basse est enfin audible. En 2016, KoRn sonne à nouveau comme KoRn, et après 10 années d'errements, c'est presque inespéré !


Il y a beaucoup de gros riffs qui tâchent sur the Serenity of Suffering, et s'ils ne sont pas franchement originaux, ils ont le mérite de nous faire voyager 15 ou 20 ans en arrière : Insane rappelle ainsi fortement Blind, Take Me évoque la période Follow the Leader, et The Hating donne l'impression d'être le petit frère de Blame et Bottled up Inside. Parfois, la ressemblance avec des chansons passées va trop loin, et on peut carrément parler de recyclage tant le riff d'A Different World repompe celui de Beat it Upright. Dans l'ensemble, les deux guitaristes font quand même du très bon boulot, et c'est un vrai plaisir que d'entendre à nouveau les gros riffs de Munky s'associer tout naturellement aux mélodies dissonantes de Head. Il fallait juste que ces deux-là retrouvent leurs vieux réflexes, et c'est chose faite.


Je suis par contre beaucoup plus critique vis-à-vis de Jonathan Davis : ses refrains sont systématiquement mélodiques, et cela donne la désagréable impression que toutes les chansons sont calibrées pour la radio. L'utilisation de sa voix death me rebute également, mais je reconnais bien volontiers que c'est très personnel : je trouve que ce style vocal se marie mal avec la musique de KoRn, et sa première utilisation en 2003 a comme par hasard coïncidé avec le début de leur déclin... Le seul morceau sur lequel JD a trouvé le parfait équilibre entre rage et mélodie est à mes yeux Rotting in Vain : le passage en scat est absolument démentiel, et l'ajout de chœurs dans le dernier refrain renvoie directement à la période Issues.


Ray Luzier fait quant à lui ce qu'il peut. J'ai toujours trouvé son jeu très plat et inadapté à KoRn, et malgré sa grande technique, jamais il ne parvient à jouer avec le même feeling que David Silveria. Disons qu'il limite la casse et qu'il parvient à se faire oublier, ce qui est déjà un mieux par rapport aux précédents albums...


Parmi les moments mémorables de SOS, je retiendrai le refrain et le "Go!" de Take Me, le groove lancinant de When You're Not There, le riff saccadé de Next in Line, et surtout le pétage de plombs au milieu d'Everything Falls Apart. Pendant 40 secondes, Jon répète en boucle qu'il n'a rien dans la tête (!), et cette longue montée en puissance rappelle les sessions avec Ross Robinson à l'Indigo Ranch entre 1994 et 1996. Il manque toutefois quelques titres de la trempe de Rotting in Vain et Insane à cet album, et notamment un dernier morceau digne de ce nom. Sur les 5 premiers disques, la dernière piste était toujours un grand moment de noirceur, et la fadasse Please Come For Me n'est tout bonnement pas à la hauteur de ses illustres aînées.


Pour conclure, on peut dire que the Serenity of Suffering est ce que KoRn a proposé de mieux depuis 2002, mais qu'il reste un cran en-dessous des 5 premiers disques à cause d'une écriture trop formatée et d'une absence de prise de risques. Avoir un gros son et balancer des riffs énormes, c'est très bien, mais KoRn nous a longtemps habitués à l'excellence et j'attends de leur part un album plus mature, ambitieux et surtout moins prévisible. Rendez-vous dans 3 ans pour savoir s'ils en sont capables ou s'ils se contenteront de recycler ad vitam æternam leur glorieux passé.

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le 24 oct. 2016

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