Les Anglais de Reigns sont de vrais malades et ils devraient sans doute être internés. Heureusement pour nous, ce n’est pas (encore ?) le cas et The Widow Blades frise le chef d’oeuvre.
Les frères Farthing, n’en sont pas à leur premier essai et The House on the causeway, leur précédent album, magnifique oeuvre au noir, ressemblait à un passionnant dédale musical. Avec ce nouvel opus, leur quatrième, ils franchissent encore un cap. Cet album-concept est inspiré par un fait divers qui impressionna les deux musiciens lorsqu’ils étaient enfants. C’était durant l’hiver, une dame connue comme la veuve Widow disparut sans laisser de trace. Pas de corps, pas de meurtrier, pas de raison…Cette histoire est le sujet de ce disque à un point tel que l’on peut parler d’obsession de la part de leurs auteurs : Reigns a en effet poussé le vice très loin, au delà de la raison, allant enregistrer leur disque sur les lieux même du drame (là où la veuve avait été vue pour la dernière fois, là où vivait celui qui fut un temps suspecté d’être son meurtrier). La prise de son eut lieu la semaine coïncidant avec la disparition de la veuve par des températures glaciales, obligeant le duo à utiliser du matériel pouvant supporter une telle épreuve. Et pour couronner le tout, Reigns aurait enregistré son disque sous l’influence d’un médicament, le sulfate d’hybrium, le même que celui auto-prescrit par la veuve Widow ; une attitude de vrais profilers de la musique !
Tout ceci est au final anecdotique et reste transparent à l’écoute sauf sur les textes totalement inspirés par cette histoire. Ce côté »Faîtes entrer l’accusé » ou »Blair Witch Project » dans la campagne anglaise pourrait même agacer si le disque n’était musicalement aussi génial. Les deux Reigns sont au pire fous, au mieux malins, n’empêche ils font de la musique comme personne ou presque.
Bien heureux celui qui arrivera à mettre le duo dans une case : pop, électro, hip hop sont parfaitement assimilés et se mettent au service d’une musique d’un film dont Reigns vous laisse imaginer les images. Les motifs sont entêtants, l’ambiance sombre et étrange. Avec les frères Farthing, on se croirait autant chez Pink Floyd (les voix rappellent David Gilmour sur Hybrium Sulphate) que Why ? et autre artiste hip hop de la galaxie Anticon, que dans une vraie musique de film (genre ambiance tordue à la »Carrie » de De Palma). Emmené par une guitare acoustique à la sonorité métallique, They likes to sleep soft s’inscrit dans une autre mouvance, celle d’une folk britannique, pour un résultat aussi ensorcelant. Et en fin de disque, le duo anglais n’hésite pas avec The Moods à exploser totalement le format »popsong » pour véritablement accoucher d’un instrumental de 20′ ; une ultime vision musicale qui résume tout le disque et qui fait des Anglais des maîtres en musique cinématographique. Avec The Widow Blades, les hallucinés et modernes Reigns règnent sur le rock anglais.