Total Dust
7.3
Total Dust

Album de Dusted (2012)

Il y a comme un voile posé sur la musique de Dusted. Ce voilage, il est comme une couche de poussière posée depuis des lustres sur un vieux bibelot. Les deux hommes derrière le projet, Brian Borcherdt et Leon Taheny, semblent en effet avoir composé Total Dust en jouant sur des instruments qui ont, tel le vieux meuble empoussiéré, subi l’épreuve du temps mais acquis une belle patine. C’est assurément le disque idéal de cet été 2012, jamais vraiment commencé et déjà bientôt fini, léger et mélancolique à la fois.

Une guitare électrique qui ronfle, un ampli qui grésille, la matière première de Dusted semble comme rouillée. Elle en a en tout cas le teint usé et la flamboyance fatiguée. Total Dust a quelque chose de grunge, de « sale », mais les mélodies lumineuses et l’instrumentation minimale (une six-cordes, un clavier lointain et parfois une boîte à rythmes crachotante) font plutôt pencher l’album du côté du folk lo-fi. En état de grâce Brian Borcherdt chante d’une voix frêle qui évoque souvent Neil Young et son lyrisme naïf. Les harmonies sont tout simplement superbes, et les réverbérations ultra-présentes ne font que renforcer cette sensation d’apesanteur, de rêve éveillé.

Dusted a ce don d’invoquer de jolis fantômes inoffensifs, qui nous promènent dans des lieux enchantés, délavés par le temps et la pluie, éclairés par de minces arcs-en-ciel. La musique du duo n’est en effet jamais triste, elle a ce pouvoir onirique apaisant, voire euphorisant, malgré ses distorsions dégueulasses et ses ambiances de prime abord un peu cafardeuses. Un piano perché, un synthé facétieux tiennent toujours la corde pour nous garder la tête dans les nuages. Et c’est bon, bienfaisant.

Total Dust est un disque hors du temps. Du temps qui passe et du temps qu’il fait. En dehors des modes, Dusted a réussi là une synthèse tranquille de styles aussi datés que semblent l’être leurs instruments. Et leur premier album est un disque de la brume, de celles qui suivent parfois les orages violents. L’équilibre fragile de Total Dust, entre éclaircies et nuages chargés rappelle la beauté de ces bribes de rêves dont le souvenir flou nous maintient quelques secondes en extase au réveil. Total Dust est un disque court, mais que l’on peut se passer en boucle. Gageons que la poussière de notre étagère n’aura pas raison de lui.

Créée

le 2 janv. 2019

Modifiée

le 11 juin 2024

Critique lue 27 fois

François Lam

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