On avait laissé Peter Kernel avec un EP expérimental, on le retrouve pour un album recentré dans un format noise punk plus classique. Jouissif !
2011 est une année qui se divise en deux pour Peter Kernel, trio suisse-canadien composé de Aris Bassetti (guitare, voix), Barbara Lehnhoff (basse, voix) et Ema Matis (batterie). Au début de l'année, il y eut un EP expérimental Il pomeriggio non si sai bene cosa fare, sorte de longue improvisation bruitiste et aujourd'hui, un album autrement plus accessible White Death, Black Heart. Entre les deux, le trio témoigne d'un même intérêt pour les arts visuels (Aris est graphiste et Barbara cinéaste) et d'un même amour pour la noise et le punk. Le premier épanchait une vision arty de la musique, intégrant un dispositif visuel à , une musique en voie d'abstraction. Le second, délesté sans doute de cette appétence à la recherche plastique et sonore, devient un vrai album de rock efficace, tendu et terriblement excitant. Les amateurs de Blonde Redhead,, de Pixies, voire de Sonic Youth, vont être aux anges. White Death Black Heart est une collection de tubes anguleux faits de moments de tensions, de climats, changeants, et d'intermèdes d'une douceur mélodique retrouvée que l'on n'attendait pas forcément dans un tel disque. En plus, le trio n'exclut pas une certaine malice.
Peter Kernel revendique un côté primaire pour, sa musique. Que l'on ne se méprenne pas ici sur le sens du mot"primaire" : c'est vrai que l'on a envie de bouger la tête sur I'll die rich at your funeral, ou Want, you dirty, want you sweet, dans un headbanging énergique mais la musique du trio est tout sauf idiote. Ni simpliste d'ailleurs. La primarité supposée de White Death black heart vient de la non-utilisation d'une violence excessive et de l'absence de grands effets. Pas de mur de Marshall, de profusion d'effets. Rien de tout cela ou à peine notamment sur un débridé Peaceful qui"envoie" un peu. Tout est effectivement simple mais utilisé au maximum de ses possibilités.
Les armes de Peter Kernel : une batterie, primale, une basse tordue qui vibre lourdement, une guitare à la dissonance étudiée et deux voix mouvantes,, des ingrédients de choc, qui font basculer la musique dans un monde où l'image semble quelque peu troublée. La formule peut être même minimaliste revenant à l'essentiel : une voix, une rythmique, une basse larvée et un motif de guitare minimal (Pixien) qui fait mouche (Captain s' drunk). Sur We, 're not gonna, be the same again, on sent l'influence du Cure des années 80 dans une autre forme de minimalisme plus clinique, mais tout aussi tendu. Comme chez Blonde Redhead ou Sonic Youth, il n'y a ici rien de lisse, rien d'évident : le rock n'est pas cousu de fil blanc suivant un long fleuve tranquille mais arpente un chemin biscornu et, souvent audacieux.
Pourtant, il y a bien une certaine légèreté dans White Death Black Heart, une malice bienvenue qui se traduit par quelques gimmicks de guitares malins et surtout par les voix : Barbara s'en donne à coeur joie dans le genre chant parlé volontaire limite agressif mais son timbre l'a fait plus ressembler à une agitée de cour d'école qu'à une quelconque hooligan vindicative. Dans les moments où sa voix se remet à véritablement chanter, elle semble reformer avec Aris le duo gagnant Kim Deal-Black Francis. La violence brute de Panico ! This is love est contrebalancée par une rythmique bondissante de marsupilami. Derrière les sonorités noise, tout ceci reste donc , bon enfant ; une vraie gaieté derrière les fils barbelés. Ultime volte-face, Organizing, optimizing time, avant dernier morceau du disque, devient carrément mélancolique. Sans changer la formule gagnante qui a fait le succès de tout l'album, Peter Kernel modifie son humeur pour s'emplir d'une densité émotionnelle inédite. Et là encore, c'est réussi. Tout ça en faisant de la musique"primaire". Chapeau bas !