"A smile is not a friendship and those heart-felt words are cheap"

Si on abordait la question délicate et hautement indispensable du meilleur groupe de punk au monde, le choix de beaucoup se porterait sur les Clash ou les Sex Pistols. Laissez-moi rire.
D'autres évoqueraient The Fall ou Crass. Ok. Plus délicat. Ça se défend.
Et puis on branche "Why Do They Call Me Mr. Happy ?", le premier titre résonne, et là, l'évidence, Nomeansno reste au sommet, intouchable, imbattable.

Nomeansno, c'est avant tout deux frangins, Rob et John Wright. Ils ont habituellement un batteur avec eux, sauf sur cet album où ils sont réduits à un duo, John assurant les percussions. Ces deux frangins, ce sont des musiciens virtuoses qui font du punk. Une ligne de basse bien grasse qui, loin de juste soutenir les morceaux, en devient l'ingrédient primaire. Une guitare abrasive aux riffs alambiqués. Un chanteur possédé. Et l'indispensable batterie.
Voilà, c'est tout, et pourtant ça fout le vertige, ne serait-ce que par la créativité dont le groupe fait preuve à partir d'un postulat aussi classique. Des morceaux simples mais jamais simplistes, attention, c'est dépouillé mais c'est comme les Stones à leur sommet, tu peux connaître les morceaux par cœur que ça démonte toujours autant.

C'est un coup à foutre des complexes à n'importe quel musicien, cet album. Tiens, par exemple, tu prends "Cats, Sex & Nazis" (ce titre !), ça tient sur 2 riffs. 2 ! Sur 8 minutes ! Et pourtant ça en remonte à tout le monde, c'est un modèle de construction, d'énergie, de tout ce que tu veux, un rouleau-compresseur musical bien énervé, du punk quoi, le genre pas aimable, bastonneur, qui fout des baffes et qui rentre dans le lard.
Mais ce qui fait la différence, c'est que le groupe a compris que faire le bourrin, c'est rigolo 5 minutes, mais que ça ne suffisait pas, et ont rajoutés une bonne louche de technique.
Parce qu'ils sont d'excellents musiciens, les deux frangins, et sans que l'album ne soit dans l'épate constante façon Dream Theater ou John5, ça se sent. Remarquables dans la constance : sur un tel album, il y a 4 pistes de plus de 7 minutes et on ne les sent jamais faiblir. Et si ça ne convainc pas, la petite interlude "Happy Bridge" achèvera les plus sceptiques.
Et puis quels riffs ! Jamais entendu des trucs semblables. Des rouleau-compresseurs, je me répète, mais c'est vraiment l'image que j'en ai. Nomeansno est à l'opposé de Crass et de leurs morceaux courts et percutants, ici les morceaux s'étirent au-delà de toute raison, les riffs continuent sans fin, y a qu'à voir : il y a 3 morceaux de moins de 5 minutes, dont "Madness and Death" qui en dure 4:46. Pour du punk, c'est énorme. Et ça donne un vrai poids à chaque morceau, chacun est un véritable marathon, on en sort rincé, lessivé, épuisé.
L'album dépasse le cadre du punk stricto-sensu, d'ailleurs, on note de sérieuses influences heavy metal, ou même, plus étonnant, jazzy - on attribue d'ailleurs à Nomeansno le statut de pionniers du math-rock, rien que ça.

Et avec tout ça, je n'ai pas encore évoqué les paroles. Parce que Rob Wright possède une belle plume, indéniablement. Je n'ai pas souvenir d'un musicien anglophone qui rivalise avec lui sur ce terrain. C'est du niveau de nos pointures, Brassens, Ferré and co.
Là encore, je vais prendre "Cats, Sex & Nazis" comme exemple, mais sous son apparence d'enchainement de punchlines savoureuses, ça tourne et retourne le thème du mensonge/vérité dans tous les sens, avec en plus un cynisme décapant qui n'est pas sans rappeler les meilleurs piques de Zappa. Totalement autre chose, un "The River" aurait, en extrapolant un peu, des allures de grande tragédie grecque.
D'une manière générale, les paroles chez les frangins sont d'une profondeur thématique à faire pâlir de jalousie les Pink Floyd, l'humour en sus. Là encore, rien à voir avec les autres groupes de punk, Nomeansno joue dans une toute autre cour.
Rob Wright met à nu les contradictions humaines, à travers le thème du libre-arbitre, celui du mensonge/vérité que je viens d'évoquer, et j'en passe... Notons d'ailleurs l'enchaînement "Kill Everyone Now"/"I Need You" qui rentre dans la même logique.
Tout ceci scandé par un chanteur habité, là encore remarquable de constance et d'énergie, pas très loin du côté "prophète taré" d'un 16 Horsepower. Complètement "over the top", il vit véritablement ses chansons.

Acide, cynique, démesuré, percutant, cet album fait un bien curieux chef d’œuvre du genre. Mais pouvait-on s'attendre à autre chose de la part de ces deux tarés de frangins ?

Allez hop, une petite citation pour la route :
"Love me and you shall be free
To join my eternal captivity."
Des génies.
KreepyKat
10
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le 26 déc. 2013

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KreepyKat

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