Il avait disparu de la circulation pendant de longs mois, avant de revenir avec une série d'EPs durant l'été (Transitions I, II puis III), mais SBTRKT est désormais de retour pour de bon avec un format peu habituel chez lui mais qui commence à le devenir : l'album. Pour son troisième (le deuxième sous ce nom, le premier étant sorti sous son nom original: Aaron Jerome), le multi-instrumentiste né au Kenya signe avec Wonder Where We Land un disque audacieux et toujours garni de collaborations pour la plupart grandement réussies.
On le sait, l'anglais affectionne particulièrement les featuring pour enrichir ses titres. Cet album ne déroge pas à la règle, avec quelques habitués dont le fameux Sampha – qui l'accompagne régulièrement sur scène avec sa voix suave –, ou encore Denai Moore. Si le premier se fond parfaitement dans l'univers d'Aaron Jerome, ajoutant une touche dansante bienvenue sur des morceaux tels que Temporary View, réjouissant, rythmé et entraînant, les retrouvailles avec Denai Moore sont un peu décevantes, la chanson entre dubstep pur et UK bass music est assez linéaire, la voix féminine ne relevant pas réellement la mélodie, tout cela ne présentant qu'un faible intérêt. La plupart des chansons avec Sampha sont réussies, les deux acolytes s'offrant même une sorte de ballade électronique au piano sur If It Happens.
Mais le réel point fort de cet album réside dans les nouveaux arrivants, notamment le tube annoncé (qui devrait finir remixé en boîte de nuit), présenté en premier single : New Dorp. New York est signé avec l'éminent Ezra Koenig des Vampire Weekend, qu'on ne présente plus. Le morceau allie une base dubstep avec des basses dignes d'un morceau house, le tout agrémenté d'un soupçon de hip-hop apporté par la voix si atypique de l'américain qui renoue ainsi avec ses premiers amours (Ezra a commencé sa carrière en fondant un groupe de rap).
Et elle est ici l'autre nouveauté: l'influence de la culture rap et hip-hop sur cet album, style musical ayant particulièrement marqué Aaron Jerome, grand fan de A Tribe Called Quest notamment. À cet égard, il invite Raury, talent émergent de la scène East Coast, pour poser avec élégance et assurance ses rimes fluides et rapides sur le beat puissant de Higher, accompagné par un clavier lancinant presque psychédélique alternant avec des sonorités électroniques criardes. Un petit bijou.
En guise de clôture, SBTRKT s'offre même un duo avec un autre membre de la East Coast, plus expérimenté, en la personne du phénomène A$AP Ferg dont l'excellent flow se fond parfaitement dans l'instrumental Drum'n'bass et aérien de Voices In My Head. Un grand bijou.
Longtemps l'on a cru que l'album était un format inadapté au style de SBTRKT, DJ pur adepte des remixes et compositeur de singles éparses. Pourtant Wonder Where We Land, bien que quelque peu déstructuré, est une véritable réussite. Foisonnant de tubes potentiels, cet opus a aussi le mérite de sortir la musique dubstep de sa routine lassante. Un ovni comme on en rêvait. Décollage imminent.
19 septembre 2014
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