chronique écrite en 2009
4 ans d’écart entre deux albums d’Indochine : trop court. 3 ans d’écart entre deux albums de Frigo : outrageusement trop long ; une absence presque intolérable quand on connaît le talent du trio breton. Mais le monde de la musique est ainsi fait et le chemin de l’indé est passablement plus long que celui des majors. Frigo a peut-être raté le coche avec son premier album Funambul. Repéré par deux EPs et encensé par la presse, Frigo aurait du parachever sa victoire avec son premier format long produit par Mario Thaler (Notwist, Lali Puna) avec comme Scott Mc Loud, Troy Von Balthazar et Tepr en invité. Funanbul est passé un peu inaperçus et on espère que ce ne sera pas le cas pour World is Science Fiction. Car la grande force des indéboulonnables Frigo est de revenir – pour l’instant – sans distribution mais avec un album produit à San Francisco par Scott Greiner (The Melvins, AC DC mais aussi Animal Collective). A croire qu’à l’étranger, on croit plus en Frigo que dans leur propre pays : comme une rengaine connue d’une France ingrate avec ses artistes. Pourtant, la position de Frigo est originale de ce côté de l’Atlantique : une influence indie rock US (accentuée ici par le travail de Greiner) mais une présence omniprésente des machines. A ce titre, on pourrait noter dire que Frigo a un côté New wave (y compris parfois dans la ligne de chant comme sur le faiblard libertine assassine) mais en utilisant les synthés et
les programmations de manière moderne – à l’image de l’écurie allemande de Morr music – le trio ne fait pas dans le copier-coller des années 80 (Scénario Catastrophe). Frigo, c’est surtout une force brute avec un groupe qui peut envoyer le bois (On off en est l’exemple criant…au sens propre et figuré) et une extrême sophistication avec même une tendance au maniérisme : Temps zéro représentant bel et bien cette dualité. Les niveaux de lecture se mêlent et créent un écheveau complexe apte à créer des climats précieux (sans que le groupe perde sa force de frappe). Peut-être Frigo perd-il en efficacité et ne propose pas « le single qui tue » (ce qui était le cas avec Dressed to succeed sur l’EP Téléportation) ? A moins que, seconde hypothèse plus probable, les grosses radios ne soient trop frileuses pour craquer sur le barré Scénario catastrophe (entre série B potache et grand classique) ou pour apprécier à sa juste valeur la combustion froide de Your Obsession, meilleur titre de l’album placé en ouverture. Au premier abord, Frigo semble avoir fait une concession au « music business » en chantant quelques titres en Français mais à l’écoute, on est tout de suite rassuré quant à l’intégrité intacte du trio : cette façon de parler chanter proche de Bashung se fond parfaitement dans l’univers du groupe et lui donne un détachement distingué somme toute assez classe. Bref, Frigo mérite votre confiance.