Plus de 20 ans après leur acclamé premier album, les 9 rappeurs du Wu-Tang Clan sortiront le 2 décembre un nouveau disque au titre évocateur, A Better Tomorrow.
Aujourd'hui encore, le simple fait de parler du groupe de Staten Island déclenche les passions. Autant chez les fans imperturbables de longue date que chez les amateurs déçus. Peu importe les réactions, le crew fait toujours parler de lui, preuve qu'il a su fédérer et marquer plus que jamais le hip-hop américain. Avec des projets solos de piètre qualité et des clashs internes, défendre le Wu des années 2010 devient pourtant ardu. L'annonce il y a quelques mois de la sortie d'un album unique, présenté comme une œuvre d'art, pour la somme de 5 M de dollars, n'avait fait que mettre de l'huile sur le feu. Sans même savoir si ce projet est bel et bien réel, cette nouvelle était avant tout un très bon coup marketing. Permettant à RZA et ses shaolins rappeurs d'être de nouveau au centre des discussions.
Robert Diggs n'en est pourtant pas à son coup d'essai. Véritable tête à penser de la nébuleuse depuis deux décennies, il a toujours su profiter de la moindre stratégie pour faire parler de son travail. A Better Tomorrow, annoncé comme le retour de la clique au complet depuis 2007, n'y a pas échappé. Comme ces dernières années il semble être à la mode de jouer sur l'exclusivité de son produit à travers des contrats, le chef du Wu a suivi les pas de Jay-Z avec Samsung et U2 avec Itunes. Engagé avec la marque de speakers Boombotix, 8 pistes -le single Keep Watch, quatre autre titres, deux instrumentaux et un morceau bonus- sont disponibles pour un nombre limité de 3000 objets. L'intéressé parle de nouvelles manières d’interagir avec la musique, mais à 79,99 $ le speaker, difficile de ne pas voir le côté business derrière ce logo jaune. Les acheteurs lui donnent pourtant raison, avec une rupture de stock dès la première semaine.
Même sans cette campagne marketing, ce nouveau projet du clan allait tout de même intéresser la sphère rap. Malgré qu'en 2007, 8 Diagrams était le signe d'une cohésion plus aussi communicative, où l'esprit incisif et puissant du groupe, s'était évaporé au milieu de batailles d'égos. Bref, sept ans plus tard, ils semblent les seuls à encore y croire. Tant mieux, car ce nouveau LP n'est pas le désastre annoncé, sans être non plus à classer parmi leurs meilleurs projets.
A Better Tomorrow rassemble ainsi les formules qui plaisent depuis le début, tout en conservant les gimmicks et les mauvaises habitudes des neuf artistes depuis des années. Artistes au nombre de neuf et non de huit, puisque Cappadonna est plus que présent sur la plupart des morceaux. Ce qui ne suffit pas à faire oublier le feu Ol' Dirty Bastard, dont la voix est quelquefois samplée. Le Wu reste fidèle également à son essence du passé en continuant à utiliser des extraits de films de kung fu comme transitions. Même si les productions n'expriment plus autant des ambiances sombres et pesantes. Au contraire, le travail de Mathematics, 4th Disciple, et bien sûr RZA est plutôt orienté vers le grandiloquent à base de cuivres (Ron O'Real, 40th Street Black/ We Will Fight) ou le spirituel à l'aide de synthés et d'orgues (Mistaken Identity, Crushed Egos).
Toujours dans ce soucis d'un album qui peine à tenir debout sans jamais tomber, chaque bonne idée sera contrebalancée par plusieurs de mauvais goûts. Comme le titre éponyme avec ses notes de pianos, ses violons, et son refrain soul de bonne facture, et les chants R'n'B niais au possible de Miracle ou Keep Watch. Et même lorsqu'il n'y a pas de choeurs masculins, c'est RZA lui-même qui vient gâcher les morceaux avec ses beuglements et cris insupportables. Pas vraiment une surprise, mais heureusement que la plupart des poids lourds du groupe tiennent la route comme Method Man. Le MC est omniprésent, surtout au début des morceaux (comme ''Preachers' daughter'' sur un sample de ''Son of a preacher man'' de Dusty Springfield) et montre son talent indéniable à chaque couplet. GZA ou Ghostface Killah suivent derrière avec un peu plus de peine, sans parler des personnalités moins connues de la bande.
Composé de nombreux défauts, dont des morceaux beaucoup trop longs pour une durée d'écoute supérieure à une heure, A Better Tomorrow peut compter sur sa bonne foi. S'il ne restera pas forcément dans les mémoires aux côtés des incontournables, il y a une volonté de s'appliquer ou de ne pas prendre cet enregistrement à la légère. Certes bancal, il s'en sort de peu et évite de plonger les compères du micro dans la caricature pure et dure. Avec plus de vingt ans de carrière, des classiques à foison, et en plein dans la quarantaine, les rappeurs du Wu peuvent se targuer d'avoir su rebondir là où certains voulaient les voir chuter. Peu nombreux doivent être les concurrents de leur génération pouvant en faire autant. Tel le ciel radieux de la pochette, l'avenir du clan n'est peut être pas si brouillé. Seul demain le dira, et demain c'est loin.
Lien pour l'écouter en intégralité : http://www.clique.tv/exclu/