A Broken Frame
6.1
A Broken Frame

Album de Depeche Mode (1982)

Depeche Mode, chapitre 2 : « A broken frame » ou les premiers pas hors du berceau.

Dans l’épisode précédent : Depeche Mode est né, il a décidé qu’il ne serait pas un groupe de rock mais un groupe pop qui ne joue que sur des synthés! Il a également décidé de jouer sur une tonalité enjouée et de compter à son bord trois joyeux lurons et un musicien un peu plus âgé et aigri peinant à imposer sa vision uniforme du destin musical de Depeche Mode. Vince Clark se barre…le berceau se renverse…et le bébé Depeche Mode se retrouve à terre…désemparé pour ne pas dire médusé et paniqué, il allait devoir apprendre à marcher seul…avec trois membres seulement et aucun soutien supplémentaire! Du coup le bébé bredouille ses premiers mots…s’éloignant quelque peu des « areuh » « areuh » remplies de naïveté qui étaient les siens il s’essaie à des sons plus variés…plus profonds…plus « Martin Gore » qui allait devenir le principal compositeur du groupe pendant…le reste de leur carrière!


C’est sur des chœurs graves et solennels qui ont de quoi surprendre les acheteurs du disque précédent que s’ouvre l’album et sur une perle tout à fait sympathique de synth-pop plutôt bien fichue : « Leave in silence » probablement d’assez loin le meilleur morceau du disque. La voix de Dave Gahan est plutôt timide mais passe assez bien avec la thématique assez mélancolique de la chanson (parler de divorce comme si on l’avait déjà vécu alors que pas encore et à seulement 20 piges faut oser…). Le rythme quant-à lui est plutôt pop (époque new wave obligeant) tout en possédant un petit peu plus de subtilité et de nuances que sur la majorité des titres du disque précédent. Les synthés semblent produire des sons de cuivres par moments, ce qui ajoute de la texture à l’ensemble et épouse parfaitement la mélodie subtile du morceau. Globalement, le son de ce disque est déjà un peu plus sombre que l’album précédent… la pâte de Martin Gore (ici un des claviéristes et chanteur secondaire qui sera ensuite le guitariste du groupe) étant déjà identifiable et bien différente de son ancien comparse Vince Clark.


A l’image de la pochette : cet album est morose…un peu tristounet mais pas bien profond pour autant (à part un tout petit peu « Leave in silence » et un ou deux autres trucs et encore…). Il semblerait également qu’il s’agisse du disque le moins apprécié de toute la discographie du groupe par la plupart des fans. A tord ou à raison? L’album est assez faible dans l’ensemble pour un album de Depeche Mode il faut l’admettre…la production est pratiquement plus minimaliste que sur l’album précédent et les sons (pas toujours élégants : « Satellite, Monument… ») ont pris un sacré coup de vieux dans l’ensemble! De plus le découpage des sons utilisés est bien trop visible…(ou audible plutôt?) tout le contraires des futurs albums du groupe. On imagine sans peine le pauvre Martin Gore abandonné dans son studio avec pour responsabilité de faire ses preuves pour la première fois de manière sérieuse sur un disque alors que jusqu’à présent il se contentait plus ou moins de suivre la cadence menée par Vince Clark. Quant-à Dave Gahan…il s’agit certainement de la performance la moins vocale de toute sa carrière…A peine grave, son timbre n’a décidément pas le tiers de la profondeur qu’il atteindra par la suite…mais il possède néanmoins ici une retenue et une tiédeur qui confère un certain charme à l’ensemble!


En effet, c’est paradoxalement cette fragilité qui rend l’album assez charmant tout de même! On sent que le groupe est un peu apeuré et pas très à l’aise avec sa situation « orpheline » mais qu’il fait tout ce qu’il peut pour maintenir la barque…Depeche Mode étant un groupe dont le contexte d’enregistrement influe directement sur l’ambiance et les émotions véhiculées par le disque comme la suite de leur carrière en témoignera! Parmi les quelques réussites du disque (comprendre morceau qui sort du lot car il n’y a pas vraiment de chef d’oeuvre ici…) il y a le très pop « The meaning of love » qui donne la pêche malgré un caractère kitsch au possible dont le groupe ne sera pas très fier en regardant derrière lui par la suite. On peut également citer le single « See you » une jolie chanson que Martin Gore dit avoir écrit à seulement 17 ans et vu le résultat on ne peut qu’être impressionné…sans atteindre des sommets ce titre est plutôt pesant par sa mélancolie et touchant par sa naïveté encore affichée. « Shouldn’t have done » est une curiosité sur laquelle s’attarder vaut le coup également! Seul morceau chanté par Gore ici…son rythme lent à la limite du triballe et épuré de tous ces sons synthétiques un peu maladroits caractérisant le disque lui confère une aura légèrement mystique très appréciable! Et puis il y a le morceau « The sun and the rainfall » qui clôt l’album d’une jolie façon : avec une pop mélancolique grisâtre et pluvieuse laissant réapparaître un léger éclairci à la fin (une synthèse de la pochette en fait!), d’où les chœurs discrets de Gore en fond (« Things must chaaange ») qui seront concrétisés par le recrutement d’un nouveau musicien remplaçant Clark dès l’album suivant et donnant au groupe sa formation canonique : Alan Wilder!


Pour le reste…si il y a quelques morceaux que je n’ai pas encore cité disons qu’il sont loin d’être inoubliables et que ce n’est de toute façon pas ici que l’on peut mesurer le talent du groupe de toute façon! « A broken frame » s’écoute avec une certaine curiosité et même une certaine fébrilité…tant de fragilité et de maladresse venant d’un groupe jeune et désarçonné créé un sentiment de proximité et de sympathie plus que jamais d’actualité avec le groupe. Il s’agit donc d’un album vraiment minimaliste où le génie est très peu présent (encore moins que sur « Speak and spell ») mais où la personnalité du groupe est paradoxalement plus présente que sur l’album précédent. On obtient donc une curiosité pour les fans et un album un peu plus que correct valant la peine d’être découvert malgré tout mais dont l’absence d’un membre supplémentaire se fait légèrement sentir. Dans l’épisode suivant il sera par conséquent question de : « Construction time again » où le groupe tentera de reconstruire sa musique sur des bases un peu plus solide…et avec un multi-instrumentiste virtuose qui fera la différence pendant un bon moment!

Venomesque
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le 25 nov. 2016

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