Ca y est, A Hard Day's Night marque la transition des Beatles, ils ont commencé cette vague incroyable d'album tous réussis (malgré ma faible affection pour Help). Plus qu'un album de maturité c'est surtout l'album où le groupe révèle pleinement son génie.
A peine un an après la parution du premier album, les Beatles peuvent réaliser enfin un vrai album. Le premier n'avait pas encore le regard d'un album et respirait la jeunesse du groupe en studio, les techniques étaient limitées. Le second avait fait la part belle aux singles plus qu'à l'album à proprement parler. A Hard Day's Night lui est composé comme remplie de pépite. Une Bande-Son d'un film sur-mesure tellement géniale que les morceaux bonus deviennent une face-B incroyable.
Cet album est sans aucun doute le moment fort de la première période des Beatles qui dure jusqu'à Help inclus. L'album ne possède pas une seule piste ratée et propose le mieux de ce que les Beatles savaient faire : des ballades douces, des chansons pop entraînantes et du rock survolté.
Comme tant l'ont remarqué, l'album possède de manière indéniable la marque de Lennon qui contrôle totalement le groupe à cette époque. Si Sgt Peppers est l'album de Paul, A Hard Day's Night est celui de John, à une époque où il commence tout juste à réfléchir vers une maturité nouvelle. En effet, sans être comme Beatles for Sale qui ose de réelles paroles plus intimes, A Hard Day's Night montre une possibilité plus intime et plus profonde.
Ainsi le titre principal, A Hard Day's Night peut être vu comme simple mais sa faculté d'évoquer la motivation amoureuse du travailleur se tuant à la tâche dans le désir d'offrir de belles choses à son aimée se révèle être déjà une vision plus tendre et sérieuse que le simple Love me do. Un peu sexiste peut être, diront certains, mais replaçons dans le contexte d'une part et ne nions pas la sincérité de l'amoureux pour autant. Le titre possède également une force et une vitesse à tout épreuve, qui le rendent absolument fabuleux.
Tell me why est, à mon sens, le second titre très fort de l'album avec cette vitesse, cette puissance dans l'interrogation qui respire la sincérité désespérée. Un moment hargneux et fort que seul Lennon pouvait signer, sans aucun doute possible.
You can't do that est un rock efficace reposant sur un air principal marquant, un chant solide et un côté très dansant. Là encore les Beatles montrent leur maîtrise du domaine.
Pour autant, Lennon continue à offrir des titres plus simples tel I should have know better. Il compose également le souvent mis de côté I'm happy just to dance with you qui est certes très simpliste dans sa structure rythmique, mélodique et dans ses paroles. Le titre semble tout droit sorti de Please please me. Et c'est là, à mon sens, la raison de son génie. Les Beatles refont une recette qu'ils maîtrisent déjà parfaitement et offrent ainsi un titre très réussi qui est dans mes moments préférés de l'album. I'll cry instead est très anecdotique et possède pourtant une certaine curiosité, non par son côté country mais par la touche lennonesque absolument délectable qui sort ce morceau de l'ordinaire quand même.
Any Time at All est une belle variation de Won't be long. Simple mais efficace dans le couplet, le refrain n'en est pas moins efficace. When I get home aurait pu être oubliable si le morceau ne possédait pas une rythmique au niveau du chant qui sort de l'ordinaire et le rend assez marquant là encore.
Quelques petites ballades douces et romantiques apparaissent tel If I feel. Extrêmement réussi, cette ébauche de douceur respire une sincérité plus profonde que les deux premiers disques et montre une véritable puissance intime de Lennon, ici sur le thème de l'adultère.
Presque aussi réussie que l'ultime et très tendre I'll be back. Concluant l'album, Lennon se permet d'être plus intime qu'il ne l'avait jamais été. Le morceau est simple sans être simpliste pour autant et puise dans la sincérité de quoi remplacer la force des titres rock.
Pour autant, McCartney, loin d'être absent, propose l'une des plus belles balades que les Beatles aient fait. And I love her parvient à rivaliser avec les deux magnifiques compositions de Lennon. Tendre au possible, le titre marque aussi une évolution artistique avec l'ajout de bongos et la manière de jouer cette mélodie à la guitare de façon si tendre. La logique également d'ajouter le titre à la fin des refrains tel un bonus permet de donner une dimension hypnotisante qui s'ajoute au chant légèrement plaintif de McCartney.
Things we said Today est encore sur l'amour, mais possède un jeu d'accord et de chant réellement convaincant qui se paye le luxe de n'être absolument pas du remplissage de face-B. Là encore, sous couvert de simplicité, les Beatles s'offre un titre varié et montrant les nouvelles façons que le groupe a de chanter l'amour.
Enfin, Paul s'offre le Can't buy me love qui est sans aucun doute après le morceau éponyme, le plus fort morceau de l'album. Simple dans le sens où il s'agit d'un morceau rock sans être trop énergique, puisant dans les éléments pop afin de séduire au niveau du chant, là encore le groupe montre sa grande maîtrise d'un domaine qu'ils ont entièrement fait leurs.
Quelque part, A Hard Day's Night montre l'évidence : ils devaient composer Rubber Soul et cie. En effet, rien qu'avec ce troisième album, les Beatles montrent qu'ils sont parvenus à maîtriser entièrement le monde du rock et de la pop qui étaient le leur. Il s'agissait maintenant d'instituer des thématiques beaucoup plus personnels avant d'enfin aller vers un renouveau musical.