A Moon Shaped Pool
7.5
A Moon Shaped Pool

Album de Radiohead (2016)

Je ne suis pas un fan de la première heure. A vrai dire, j'ai plongé dans la discographie de Radiohead très récemment, ce qui enlève tout le facteur hype et l'attente de 5 ans que les fans ont dû subir. Mais le neuvième album studio du groupe est bien là, suivant une semaine de teasing intense. On notera le choix des single, qui sont tout simplement les deux premiers morceaux d'A Moon Shaped Pool. Les 11 morceaux qui composent ce nouvel album à la pochette magnifique sont mis dans l'ordre alphabétique, ce qui laisse à priori penser que l'album manque de progression, de cohérence. Ce n'est heureusement pas le cas.


Burn The Witch et Daydreaming, les deux singles précédant la sortie d'AMSP, ont été critiqués pour leur manque de punch et d'énergie. J'ai personnellement adoré le premier, l'ayant écouté plus de 120 fois selon lastfm. Le second m'a d'abord semblé vide de sens et surtout ennuyeux sans son clip, mais à force de l'écouter j'ai fini par beaucoup l'apprécier.


La crainte que tout l'album soit si pauvre en guitare et en drums est balayée à l'écoute de Decks Dark. La guitare se fait d'abord timide, laissant place à la superbe voix de Thom Yorke et à son chant très catchy, qui rentrent dans la tête à la première écoute. Viennent ensuite quatre notes au piano enrichissant le morceau, puis des notes de guitare très déformées et dures, qui percent les oreilles. A ce point, on est encore dans le délire slow burn instauré par les deux premiers morceaux, mais plus d'énergie se fait sentir.


Vient alors Desert Island Disk, commençant une fois de plus de manière calme, posée, avec une mélodie simple à la guitare qui permet à Thom de briller par sa performance vocale. Il parle de la mort, avant que le morceau passe dans une seconde phase plus riche dans laquelle Thom se répète beaucoup. Le petit crescendo opérant le passage de la première à la seconde partie du morceau est la bienvenue, car ce n'est pas ici qu'AMSP commence à vraiment briller.


Ful Stop intrigue dès le départ. Rapide, basseux, énergétique, le morceau installe son rythme nerveux à l'aide d'un crescendo utilisant habilement les synthés mis en fond. Après un petit couplet somme toute basique, le morceau passe lui aussi dans une seconde phase bien plus lourde au niveau de l'instrumentation. La guitare, la batterie, les synthés et le chant de Thom Yorke augmentent en puissance en même temps, offrant la première vraie montée d'adrénaline de l'album. Le silence revient et s'en va encore pour un dernier crescendo de toute beauté, surtout grâce à la batterie qui opère un fade in sur la fin du morceau.


La déformation des sons est légion sur ce nouveau projet, et Glass Eyes ne déroge pas à la règle. Une superbe mélodie au piano sert d'ouverture floutée à une oeuvre très touchante et surtout personnelle. Les violons viennent complimenter l'approche sentimentale du piano et les deux se marient à merveille, signant selon moi le meilleur morceau de l'album.


Identikit est le seul morceau me laissant plutôt indifférent, pour l'instant. Instrumentalement classique, avec des drums proéminents et une mélodie à la guitare relativement simple, c'est sur le plan vocal qu'il brille. Le chant de Thom Yorke est toujours aussi captivant, en plus d'être complété par d'excitants moments choraux. Un riff de guitare assez oubliable et irritant clôt ce morceau qui me semble plus appartenir au tout début de l'album qu'au milieu.


Ooooh... The Numbers. Cette mélodie principale, ces bruits de traineaux ou de bijoux traînant sur le sol, ces notes au piano sauvages arrivant tantôt de la gauche du casque, tantôt de la droite.. Absolument délicieux, ce morceau me semble être du pur Radiohead, qu'on aurait pu retrouver sur Amnesiac ou In Rainbows. Dans sa deuxième moitié, un instrument à vent fait son apparition et insuffle encore plus d'énergie à cette oeuvre ravissante. Ainsi, impossible de s'ennuyer à l'écoute. Un crescendo court mais intense laisse place aux pianos et aux samples de rires inversés qui parsèment tout le morceau.


Poursuivant cette progression du calme vers la tempête, Radiohead me régale ensuite avec Present Tense, assez rapide et énergique. Thom Yorke nous invite dans son monde qui s'écroule pendant qu'il danse, et qu'il se perd dans son âme soeur. Un moment touchant et complimenté par, et vous commencerez à vous rendre compte que c'est récurrent ici, un crescendo de la batterie. Ce morceau dure peut-être un peu trop longtemps sur la fin, rendant l'écoute multiple assez ennuyeuse.


Cet ennui qui disparaît aussitôt que, je respire un bon coup, Tinker Tailor Soldier Sailor Rich Man Poor Man Beggar Man Thief arrive. Le titre est aussi bizarre que le morceau en lui-même. Synthé lancinant, basse électronique, plus la voix de Thom Yorke accompagnée d'un reverb très marqué. Tout ça prend des allures de chants divins quand la batterie et les violons ajoutent une touche grandiose au morceau qui n'est pas sans me faire plaisir.


21 ans après sa première apparition, True Love Waits est enfin présent sur un album studio de Radiohead. La progression opérée depuis le début de l'album s'arrête ici. Ce morceau est poignant, pas expérimental pour un sou ou quoi que ce soit. Juste une superbe mélodie au piano accompagnant une des meilleures performances que j'ai pu entendre de la part de Thom Yorke. Les derniers mots d'A Moon Shaped Pool sont donc "Just don't leave, don't leave". Un au revoir bien triste pour un album explorant tous les recoins de la personnalité de Yorke, dont certains que je n'ai toujours pas réussi à déchiffrer.


Cet album est beau. C'est une oeuvre bien supérieure à The King of Limbs pour moi, et qui se rapproche magnifiquement de l'esprit In Rainbows, sans jamais donner l'impression d'être une copie ou une reconstitution de ce que le groupe a pu sortir depuis sa création. Proche du meilleur de Radiohead, mais pas trop. Juste assez pour apprécier l'entièreté d'A Moon Shaped Pool en tant que nouvel album proposant du contenu magnifique de bout en bout.


♥ Morceaux préférés : Burn The Witch, Decks Dark, Ful Stop, Glass Eyes, The Numbers, True Love Waits.


9/10

Grifta
8
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Créée

le 9 mai 2016

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