Nude
Il est toujours compliqué d’appréhender une création de Radiohead. C’est une bête sauvage, agile et féroce, qui se dompte avec patience. Parfois elle trébuche, est acculée dans ses retranchements,...
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le 12 mai 2016
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Ils sont de retour. Eux qui ont secouru le rock, bravé les torrents de l’électro, ressourcé le free-jazz et le classique. Radiohead, avec un grand R, celui de la Raison, du Rêve et de la Rareté.
Ils reviennent, aussi tenaces que jamais, mais toujours aussi fragiles, fugaces, fuyants. Des mots pour exprimer la vie, des instruments pour exprimer l’envie. Celle d’aller de l’avant, de dire oui, de reculer et d’avancer de nouveau. Briser la glace et y creuser, un piano au-dedans. Briser les chaînes et se laisser porter, le synthétiseur de l’avant. En contre-point, le violon est là, cessant de sautiller pour revenir aux fondamentaux de la nostalgie.
Un divorce, des projets solos, une inquiétude face au changement climatique. Radiohead revient transformé, et sa musique sonne toujours si onirique et précieuse. Cette fois-ci, pas de boucles électroniques arides, seulement les flux indescriptibles de la conscience. Un album d’essence roots, où les guitares sont acoustiques, où la voix est sincère. Comme un disque de folk auquel un malin génie aurait appliqué le traitement des musiques électroniques.
Pourtant, ils s’aliènent délibérément en sollicitant les services d’un Orchestre Contemporain de Londres. Les chœurs et les cordes prennent le relai quand le groupe ne sait plus où aller, et Thom Yorke reste à l’affut, prêt à assener l’une des lignes mélodiques dont il a le secret. Radiohead se rend étranger de sa propre existence, mais pas de son essence. Toujours en quête de l’Absolu, ils le cherchent dans l’introspection, dans la deep ecology, ou dans l’amour.
L’ami Phil donne du nerf, tandis que Jonny triture ses boutons pour voir ce qui pourrait rendre un paysage plus mélodramatique, plus ambigu, ou simplement plus beau. Radiohead, cela a toujours été une symbiose de cinq petits hommes, et non pas simplement un grand Thom. Le plus surprenant, c’est qu’ils apparaissent si humains sur scène, où leur musique retrouve toute sa dimension matérielle. Par moments, il leur arrive même de faire des erreurs.
A Moon Shaped Pool recèle en son cœur un joyau inespéré, que l’on ne connaissait pas sous une forme aussi douce. Il contient aussi une vieille chanson dont la seule position dans l’album est riche de sens. Sans oublier deux OVNI cryptiques, une phénoménologie larmoyante, quelques songeries crépusculaires, ainsi que des odes à la tolérance, à la danse, à la Terre. Autant de perles qui ne sauraient être assimilées et jugées en une seule journée.
C’est paresse que de prétendre qu’il s’agit de leur plus grand album « depuis OK Computer » ou « depuis Kid A » - avez-vous vraiment écouté In Rainbows ? Mais c’est lâcheté que d’affirmer que A Moon Shaped Pool est trop ceci ou pas assez cela. Il n’y a qu’un maître à bord, c’est Radiohead, et il t’emmène où bon lui semble. Que cela te plaise ou non.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs albums de Radiohead, Les meilleurs albums des années 2010, Les meilleurs albums de 2016, 50 albums qui auront marqué les années 2010 et 1001 albums à écouter avant l'Effondrement
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le 11 juin 2016
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