A Mouthful par Benoit Baylé
Si le nom du duo franco-finlandais formé en 2005, originellement tiré des prénoms de chacun des deux membres (Dan Levy et Olivia Merilahti), ne relève pas d'une originalité indiscustable, leur rencontre elle, l'est sur de nombreux points. Rien ne les destinait à travailler ensemble : ils ne partagent pas la même culture, à la fois au niveau de la consuétude (l'une est finlandaise, l'autre est français) mais aussi d'un point de vue musical (Dan est un fin connaisseur de jazz, tandis que la pétillante Olivia aime se perdre dans un univers électro et folk). Il aura fallu un gigantesque navet cinématographique national (L'empire des Loups) pour les réunir : ils en composent la bande originale en 2005. Dès lors, les deux ne se quittent plus et occupent leur temps libre à écrire la plupart des titres qui feront partie des 15 d'A Mouthful, premier essai paru courant 2008.
En débutant l'album par "Playground Hustle", The Do place directement la voix d'Olivia Merilahti en pilier de leur musique grâce à une mélodie enfantine et chaleureusement rafraîchissante. Cette fraîcheur se vérifie avec "At Last", single logique car efficace, au riff inépuisable et reconnaissable entre mille. Le talentueux compositeur Dan Levy confirme avec l'imparable tragico-entraînant "On My Shoulders", lui aussi matraqué sur les ondes et à l'origine du succès du groupe (n°1 en France). Populaire, le duo l'est assurément, mais pas au détriment d'une musique si originale qu'elle n'est pas sans rappeller la dépassée Björk par la voix d'Olivia, qui se veut à la fois puérile et hautement mature selon les humeurs. "When Was I Last Home", avec son piano-voix dramatique auquel furent rajoutés des éléments électros, représente parfaitement cette dualité assumée et merveilleuse. Les influences, bien que peu flagrantes, sont ambitieuses et éclectiques : du Radiohead période OK Computer par ci ("Travel Light"), du Eminem par là ("Queen Dot Kong", complètement barrée, hybride hip-hop psychédélique)... Cependant l'album n'est malheureusement pas exempt de défauts, dus en premier lieu à sa longueur : 15 titres dans un seul et même opus supposent, sauf cas exceptionnel, quelques faiblesses. Ainsi, si la première moitié de l'oeuvre représente un sans faute, des baisses de rythme apparaissent à partir d' "Unissasi Laulelet", peu intéressante malgré une tentative de mariage des genres (chant en finlandais et percussions aux couleurs orientales). "Searching Gold", pas abominable mais traînée en longueur, aurait pu bénéficier en intensité si elle avait été quelque peu raccourcie... Mais il ne faut pas se méprendre. Trouver des défauts à cet album demeure aussi abscons et aléatoire que de découvrir une chanson intéressante dans la discographie de Patrick Bruel...
A Mouthful pourrait être résumé en un mot : "oxymoron". A jouer avec cette dualité enfance/adulte, le duo aborde un thème universel mais jamais épuisé ni épuisant. A faire preuve d'une virtuosité désinvolte, l'album émoustille les plus insensibles, réveille les sens. A fournir un premier album si singulier, si audacieux, Dan Levy et Olivia Merilahti se placent avec The Do comme une des formations labellisées "France" à suivre avec grande attention...