Chronique Queen n°10
A Night at the Opera, c'est un peu la crème de la crème du rock. L'équivalent musical d'un Guerre et Paix ou de n'importe quel roman porté aux nues.
Je m'attaque à un monstre sacré de la musique, reconnu et acclamé par la presse et le public. Je suis partie avec des grosses attentes lorsque j'ai acheté l'album il y a plus d'un an. J'ai été époustouflée, chavirée de toute part. Tout l'album suinte l'essence roccoco baroque, un fil conducteur dans une démarche de liberté créatrice.
En 1975, les Queen jouaient le tout pour le tout. Malgré le succès de Queen II et de Sheer Heart Attack en 1974, le quator demeurait dans la pleine panade financière en raison d'un management véreux . Avec cet album, ça allait passer ou casser, il avaient désespérément besoin d'un succès. Ce sont les Rockfield studios qui les accueillirent dans la pleine campagne Britannique pour qu'ils puissent pleinement se consacrer à leur oeuvre. Le travail acharné a fini par payer. L'album leur a ouvert les portes de la gloire internationale. En fait, le contributeur majeur de cette renommée est bien le single Bohemian Rhapsody, cette monstruosité qui n'allait "jamais marcher" car beaucoup trop long et vraiment trop étrange. Je ne reviendrai pas sur ce chef-d'oeuvre, cela reviendrait à enfoncer les portes ouvertes.
Cela ne serait pas très fair-play de ne voir qu'une chanson parmi d'autres dans cette Nuit à l'Opéra qui est une oeuvre de maître à part entière, un fin produit d'orfèvrerie serti de pierres précieuses.
Ainsi, le premier titre surprend par son agressivité sans retenue, son véritable crachat de haine envers le management de Queen: Death on Two Legs. La chanson est reconnue pour être un des meilleurs "diss track" ayant jamais existés. Freddie Mercury dira que Brian May était mal à l'aise en chantant les paroles tellement elles sont corrosives. Le ton est donné avec cette première composition: Queen n'en a rien à battre des conventions et de la bienséance. Le groupe fait ce qu'il veut, comment il veut et quand il veut.
Lazing on a Sunday Afternoon tranche radicalement en changeant d'athmosphère. Elle impose un ton résolument plus gai et se veut une sorte de pastiche de vaudeville, comme Seaside rendez-vous.
Ensuite vient la face B du single de Bohemian Rhapsody: I'm in Love With My Car. Chanson aux allusions sexuelles décomplexées, un chant d'amour aux bolides et un hommage à un roadie fan de courses automobiles, le titre dépote vraiment. Là aussi, cela montre que le groupe écrit ce qu'il veut et qu'il y va à fond quoiqu'il en soit. Le refrain est très entêtant et le rythme prenant, les chœurs sublimes. La voix rauque de Roger Taylor lui convient à merveille. Ce dernier se serait enfermé dans un placard pour que les autres acceptent de mettre son bébé en face B du 45T de la chanson bohémienne. Il a eu du flair et touchera autant de royalties que Freddie Mercury, ce qui causera des tensions à ce sujet.
Love of my Life est transcendante de délicatesse et de beauté, une déclaration d'amour à vous ficher des frissons partout.
'39, écrite par Brian May, est une sorte de chanson rock-country se passant dans un univers futuriste. Au-delà de l'originalité des paroles, la composition et les arrangements sont fabuleux. Mention aux vocalises de Roger Taylor. Brian May a écrit une autre très belle chanson nommée The Propeth's Song dont l'inspiration lui serait venue en rêve. Le morceau est long et rappelle la période Queen II, à notre plus grand plaisir: c'est tripant, onirique, enfièvrant. Un diamant brut à la Bohemian Rhapsody. Sweet Lady est du bon hard rock.
Deux chansons peuvent cependant coincer: Good Company est une chouette ballade mais a un relent de remplissage, tout comme le You're My Best Friend qui est une gentille chanson poprock. Mais soit, il en faut pour tous les goûts et je ne peux pas nier que j'aime les écouter.
A Night at the Opera est un chamboulement. Queen s'inscrit dans sa démarche outrageous en sortant des sentiers battus, des normes, des convenances, des barrières. Et franchement, cette audace (ou culot), bah ça me plaît vachement.