Avec le froid (presque) hivernal, me viennent les souvenirs des nuits autours du kanoun (brasero kabyle) à écouter les histoires de village et les contes berbères d’autrefois. C’est donc naturellement que cela me fait penser à A Vava Inouva, la chanson de Idir qui donne son nom à ce premier album, et qui marque l’histoire musicale algérienne et amazighe.
Idir, fils de berger kabyle, ne se doutait pas qu’il deviendrait un jour poète et porte drapeau de toute une culture avec sa flûte et sa guitare. Il réussit avec une chanson à atteindre les foyers de pays lointains et à révéler aux yeux du monde l’étendue de la culture berbère nord africaine. "A Vava Inouva" (mon petit papa) dépeint sur un air de berceuse le tableau d’une famille modeste dans un village des hauteurs de Kabylie. La chanson rappelle l’importance de la tradition orale berbère dans son refrain, allusion à un ancien conte raconté par la grand-mère au coin du feu, où la fille avant de rentrer devait faire sonner ses bracelets pour confirmer à son père que c'était bien elle et non l'ogre de la forêt. Le passé encore dans "Ssendu" (barattage), hommages aux mères et aux femmes qui battaient le lait pour en faire du beurre dans un récipient spécial (généralement en peau de chèvre). A la recherche de ses racines dans "Muqleγ" (j’ai regardé) qui commence par « Je ne sais d'où je viens, ni où je vais » et qui se finit par un message.
« Nous verrons encore, nous rechercherons toujours
Nous irons en posant des questions,
Sans épargner aucun empan.
Nous rallumerons la lumière si elle s'éteint.
Si nous négligeons le trésor de la sagesse,
Nous ne pourrons le remplacer. »
Puis la fête bat son plein avec "Zwit Rwit" avant de revenir vers les souvenirs de "Cfiγ" (je me rappelle). Conseil aux nouvelles générations de "Ay Arracc Nagh" (nos jeunes) et superbe voyage sensoriel de "Wi bɣun" (qui veut), je pourrais parler des heures de toutes ces chansons de Idir qui ont bercé mon enfance. Mais j’aimerais aussi parler de la diversité culturelle et de l’ouverture que prône cet artiste modeste et discret. C’est dans son album Identités, composé de reprises de ses chansons en collaboration avec des artistes de toute part, que l’homme de conviction qu’il est marie, grâce à la musique, la culture de ses ancêtres à celle du Monde. Mariage réussi pour "Tagrawla" (révolution) avec Amazigh Kateb (chanteur de Gnawa Diffusion) pour parler tout en métaphores de la résistance toujours présente de la jeune génération. Union berbéro-bretonne superbe et tout à fait naturelle dans "Illusions" (awah awah) avec Dan Ar Braz et Gilles Servat. Et puis rien que pour entendre Maxime le Forestier chanter en kabyle sur l’air de San Francisco adaptée à la ville de "Tizi-Ouzou", cela vaut le coup :).
Idir, avec ses balades, fait partie d’un patrimoine universel qui n’a pas besoin d’une langue commune pour toucher les cœurs. Mais pour moi Idir est comme un tonton qui accompagne ma vie depuis toujours, parfois dans la nostalgie et parfois dans le bonheur de retrouver une voix familière qui me conte doucement les histoires de mon enfance.