"Nick Cave n'est pas un cave", a titré un jour d'inspiration Libération. Un mot d'esprit qui résume génialement l'artiste australien. Artiste car le limiter à son rôle de chanteur serait l'enfermer dans un monde trop étroit pour lui. La preuve : il sort un double album et son premier scénario pour le cinéma est actuellement en tournage. Avant de voir le film, parlons donc des disques : Abattoir blues et The lyre of Orpheus, fulgurances inspirées.
Le premier, Abattoir blues, est une suite de chansons à l'urgence post-punk qui n'est pas sans rappeler les jeunes galettes de Sieur Cave et ses Mauvaises graines. Le tout s'enchaîne à une vitesse folle, l'inspiration cédant souvent à la précipitation. Une sorte de Murder Ballads, mais en moins bien fini. Le bouillonnement incessant de l'auteur ne saurait être mieux traduit que par ces neuf morceaux. Même si on le préfère plus posé et moins urgent. Pourtant, par instant, le disque prend des airs de confession, de cette âme qui a tant à se faire pardonner.
Sur le second disque, The lyre of Orpheus, plus proche des récents Nocturama et No more shall we part, il se lance dans ces chants mystiques dont la tristesse infinie ne saurait cacher une intensité violente. Petit à petit, la tension monte jusqu'à aboutir sur deux merveilles : Carry me et O Children, qui ne dépareraient pas dans des églises vouées au gospel. Les chœurs féminins sont alors des contrepoints merveilleux à la voix tourmentée de l'auteur. Il possède le mystère, la pierre philosophale de ceux qui réconcilient les anges avec le diable.
Ce double album, composé et enregistré dans l'urgence, à Paris, en quelques semaines, est une nouvelle preuve du talent inépuisable de Nick Cave. Insatiable, insaisissable, il brouille encore les pistes avec des disques hétérozygotes, Abel et Caïn d'une création mêlant pureté et concupiscence.
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