Et si le meilleur album de l'année 2005 était sorti en décembre 2004 ? La question lancine pendant l'écoute du splendide Funeral, d'Arcade Fire, un groupe totalement inconnu né en 2003, dont le premier mini avait été autoproduit. Pour tout dire, cet enterrement en grandes pompes n'est même distribué en France qu'en import. Mais cela ne pourrait durer très longtemps.
Dès le premier morceau, Neighborhood # 1 –Tunnels, on est pris dans une spirale qui ne s'arrêtera qu'à la dernière note. Tout semble si familier et pourtant on n'a jamais entendu cela auparavant. Aux accords de guitares se greffent nonchalamment quelques cordes, puis un accordéon. A la fin, la symphonie minimaliste se transformera en explosion mélancolique. Et l'auditeur de se retrouver dans une autre dimension.
La voix de Win Butler, le chanteur, n'est pas étrangère à cette impression d'intense désespoir matinée de grandiloquence orchestrale. Entre David Bowie et Robert Smith, elle a cette intonation sombre qui sied si bien aux ambiances nocturnes de l'album. Quand elle se mêle à celle de son épouse, Régine Chassagne, le duo surprend alors par sa fascinante asymétrie, ces échos qui n'en sont pas.
Régine Chassagne ? Oui, c'est un nom de chez nous mais il s'agit une nouvelle fois d'une cousine canadienne. Car Arcade Fire est né à Montréal. Ce qui prouve que le bastion francophone peut parfois sortir des chanteurs corrects. Nos oreilles sont sacrifiées sur l'autel voué aux Céline Dion et consorts alors qu'Arcade Fire est l'alternative ultime aux hurlements ubuesques des chanteurs à la feuille d'érable.
Cet enterrement est de ceux des grands. Original, envoûtant, il donnerait envie de s'allonger dans un cercueil et d'écouter les entêtantes mélodies jusqu'à épuisement. Mais de telles funérailles méritent bien un petit sacrifice. Entre Pixies, Interpol et Mercury Rev, Arcade Fire a un chemin tout tracé.
Espérons que Win et Régine s'aimeront aussi longtemps que nous aimerons leurs créations, mélopées voltigeant bien au dessus de la normalisation actuelle.