Abbey Road est probablement l'album le plus abouti des Beatles. C'est pourtant le dernier. Là où beaucoup de groupes se perdent dans la redite et le fan service, les Fab Four nous offrent une extraordinaire conclusion à leur immense carrière.
Rien ne le laissait présager. Depuis quelques années déjà, le groupe était agité par des tensions internes. Lors de l'édition du fameux White Album, le comportement de Yoko Ono -omniprésente en studio - et de John Lennon avait quelque peu agacé les trois autres compères. La guerre des égos faisait déjà rage. Mais, pourtant en 1969, ils se réunissent une dernière fois dans les mythiques studio d'Abbey Road.
La plupart des titres sont issus de travaux préalables, principalement ceux de McArtney et Lennon, travaux souvent antagonistes mais qui parviennent, retravaillés par les quatre membres en studio, à retrouver une cohérence, qui se répondent parfaitement, dans un écho sublime. Lennon et McCartney se sont donc, pour l'essentiel partagé la composition et, chacun dans leur style, nous ont livré encore tout leur talent. Comment peut-on être aussi longtemps inspiré ?
Car la force des Beatles, c’est ce talent inné de la mélodie, du tube, immédiatement planétaire. Tout est simple, les lignes et les thèmes limpides, accessibles à tout à chacun, rejouables a l’infinie même pour les débutants. L’universelle accessibilité de la musique des Beatles est leur force. Trois notes peuvent y suffire. Au piano, à la guitare. Musique a jouer au coin du feu, dans une gare ou en concert. Quand on veut, où on veut. Mais Abbey Road dépasse la simplicité apparente.
Que ce soit sur la première face ou sur le cultissime medley final, l'album est jonché de perles et d'innovations en tout genre, des trouvailles, conçues parfois comme de simples bidouillages, devenues modèles pour le reste du monde. Que dire par exemple du I Want You de Lennon, une chanson fleuve de 7 minutes - ce qui est rare chez les Beatles - avec un texte court - Lennon se défendait de faire des textes courts, pour capter une sorte d'essence poétique -, riffs de guitare et de basse violents et lancinants ; bref une sorte d'épure du rock, presque psychédélique, et bien sûr cette coupure en plein milieu d'une phrase musicale jouée en boucle. A l'origine, due au fait qu'il n'y avait plus de place sur la face du vinyle, Lennon décida de couper le morceau en plein milieu. Coup de maître.
La seconde partie de l'album est encore plus passionnante. Outre les premiers titres, qui alternent composition de Lennon et de McCartney mais qui laissent aussi l'occasion à Ringo Starr sur Octopus Garden de s'exprimer pleinement, on trouve le fameux Medley de 16 minutes, ensemble de morceaux "redumbés" pour l'occasion. Tout le talent du groupe s'y trouve : formidables mélodies, choeurs finaux, solo de batterie de Ringo, triple solo de guitare des trois autres membres du groupe, c'est la perfection absolue. L'harmonie totale et miraculeuse est là. Puis, comme une farce, avec le flegme tout anglais du groupe, l'album se termine par un morceau caché, premier du genre parait-il à l'époque, sorte d'éloge curieux de la Reine d'Angleterre, Her Majesty d'une vingtaine de secondes, burlesque presque.
Et puis cette pochette...
Let it be.