En pensant à Mylène Farmer, vient en tête une citation de Victor Hugo : "La mélancolie, c'est le bonheur d'être triste". Cela sied bien à la chanteuse, particulièrement ici à l'époque de ses débuts et de sa montée artistique et médiatique.
Ainsi Soit-Je, deuxième album et premier énorme succès (disque de diamant) de la sulfureuse (fausse) rouquine, a porté cette dernière à la consécration avec son complice Laurent Boutonnat, réalisateur de clips dont certains sont de petites fresques somptueuses à l'exemple de "Pourvu Qu'Elles Soient Douces", le simple devenu le premier n°1 de la discographie de la Mylène.
Dans l'ensemble, sans trop avoir des haut-le-coeur dans ce disque qui ne sent pas vraiment l'atmosphère haut-les-coeurs, on arrive à se réadapter sans trop de problème quand on efface certains à priori : des titres arrivent à accrocher, faire de l'effet malgré que d'autres procurent de quoi provoquer plusieurs rictus.
Avec "L'Horloge" qui ouvre l'oeuvre, chanson adaptée d'un poème de Charles Baudelaire, l'auditeur s'engage dans une ambiance angoissante où le temps n'est qu'un lugubre dévoreur de vie, presque monstrueux et assurément froid, pour ne pas oser dire glaçant. Un morceau réussi, sans doute le plus marquant, avec ses effets de voix et des sons sinistres ingérant nos existences. Les quatre titres sortis en simples, "Sans Contrefaçon" qui rejoint le "3ème Sexe" d'Indochine sur l'ambiguïté sexuelle, la ballade "Ainsi Soit-Je", "Pourvu Qu'elles Soient Douces" et "Sans Logique" (celui que je préfère le moins) figurent parmi les sommets de l'album du fait de leurs succès qu'ils ont eu à leurs périodes probablement.
Plus occultés en conséquence, "Allan" ne s'en sort pas mal; "Jardin De Vienne" pénètre comme un poison étrangement beau mais fatal. Moins plaisant, "La Ronde Triste" finit par sentir une complaisance agaçante à la tristesse. "Déshabillez-Moi" repris à Juliette Greco et "The Farmer's Conclusion" se démarquent des chansons précédentes car elles sonnent moins pesantes avec un ton plus vif voire humoristique. Même si ces derniers titres ne sont pas les meilleurs, ils peuvent être parfois salvateurs si on refuse de continuer à s'auto-flageller dans une chambre monastique imaginaire et sans chaleur.
Ainsi Soit-Je reste tristement beau, même s'il est conseillé de ne pas céder à des écoutes abusives... À moins d'être fan.