Les Allah Las, stylistes et faussaires glorieux.
Les Allah Las font une sorte de pop aux belles sonorités 60's, à relents exotiques, aux guitares réverbérées, aux jolis phrasés et aux mélodies simples et claires.
Ils bénéficient d'un univers graphique assez chouette : couleurs vives, cactus, soleils, arabesques, clips en Super 8 avec des images de plages californiennes, de paysages désertiques, etc.
Tout cela est très plaisant, mais pas bien original, on en conviendra, et l'enthousiasme dont jouit ce groupe de stylistes (ou d'opportunistes) peut agacer les connoisseurs du genre.
Les moins connus Blackfeet Braves qui ont sorti leur premier album à peu près au même moment mériteraient le double de leur notoriété, sans parler des Growlers, pélerins de ce mouvement, qui sont l'un des meilleurs groupes de notre époque, et à qui, je l'espère, l'Histoire rendra justice.
Si vous ne connaissez pas ces deux groupes je vous invite à aller les écouter sur le champ, si après ça vous êtes toujours aussi enjoués à propos des Allah Las, c'est que vous êtes un suiveur de tendances, une mite attirée par la lumière, bref une merde.
Chaperonnés par le très surestimé - lui aussi - Nick Waterhouse, pourvoyeur de joli Rythm'n Blues vintage mou pour jeunes branchés européens (une Amy Winehouse sobre, appréciez le calembour), ils avaient sorti auparavant deux 7 pouces (singles - en gros - pour les nullards qui écoutent tout en mp3 ou en CD, je vous emmerde au passage), et un split avec le binoclard susnommé.
Parmi quoi le très inspiré de Larry & the Blue Notes "Catamaran", "Don't you forget it", une de leurs meilleures chansons, la tubesque "Tell me (what's on your mind)" et la reprise des Roots (1965), "Long Journey" qu'ils ont choisi de jouer juste et très lentement.
Tout ceci, faces B incluses, figure sur le dit album.
Cinq titres sur douze dont un instrumental meublant.
Ce qui nous fait donc (je suis super fort en algèbre) sept titres inédits (mais pas inouïs) dont un autre instrumental meublant.
On peut s'estimer heureux qu'ils n'aient pas pondu un maxi de quatre titres avec le reste avant de sortir ce LP...
Ce qui est amusant, c'est que l'album des Blackfeet Braves m'a semblé plus frais alors que je connaissais aussi déjà presque tous les morceaux, puisqu'ils avaient mis toutes leurs démos à la disposition des internautes sur bandcamp… Un problème de qualité et de talent, à n’en point douter.
J’ai du débourser un peu plus de 20 tunes pour obtenir le disque, ce qui est excessivement cher pour un 12 pouces, nous sommes d'accord.
N'est-ce pas que tout ceci sent un peu la fumisterie ?
Il semble d'ailleurs que tous les produits d'Innovative Leisure, le label au nom un peu immérité où officient nos intéressés et Nick Waterhouse, soient vendus à des prix de pute de luxe.
Parmi les morceaux qui ne figuraient sur aucun support physique avant la sortie du disque, on retiendra "Busman's holiday", l'une des moins plan-plan (c'est certainement "Seven Point Five" qui remporte la palme de cette catégorie).
Les autres feraient un bon fond musical pour glander en buvant un mojito sur une chaise longue, l'été sous les palmiers et devant la mer azurée, mais guère plus.
"Sandy" et "No Voodoo" d'une face, "Catalina" et "Vis-à-vis" de l'autre.
Les deux premières m'ont d'avantage plu que les deux autres.
Les deux dernières, aux arpèges byrdsiens, sont loin d'être dégueulasses, mais au sein d'un album où la mollesse est reine, ces ballades un tantinet fadasses ont tendance à faire bailler l'auditeur de bonne volonté.
Elles contribuent, avec "Seven Point Five", qui a quelque chose de Buffalo Springfield, à faire de la face B la partie la plus molle du disque.
Ce "Busman's Holiday" est honnêtement une bonne chanson, et les Allah Las ne s'y sont point trompés, ils l'ont clipée illico avec des images de paysages désertiques, et de promenades en minibus.
La belle idée !
Du jamais vu sans doute depuis l'espèce de navet du Printemps précédent, l'adaptation du fameux bouquin de Kerrouac pour adolescents oiseux.
Clipée aussi "Vis-à-vis", tout comme "Tell me (what's on your mind)".
Le clip de "Vis-à-vis" (ouais je mets un accent, je complète le gallicisme) nous montre, en Super 8 évidemment, une espèce d'histoire complètement bidon où une carte postale voyage d'une personne à l'autre, vieux cliché et quintessence de la mièvrerie que les Growlers n'ont pas osé faire sérieusement dans le clip cocasse de "Gay Thoughts".
Celui de "Tell me (what's on your mind)" est une sorte d'exercice de style où l'on singe les Animals, avec les images, en Super 8 évidemment, de road movie et de plage habituelles, de membres du groupe portant des chapeaux (façon Growlers, encore une fois), faisant de la planche à roulettes (façon Growlers, nunc et semper) et d'effets super originaux, genre fondus, contre-jour et kaléidoscope, etc.
Le salmigondis des clichés et des emprunts.
Ce qui nous fait en tout quatre chansons clipées, si on compte la vidéo de "Long Journey" où l'on a simplement filmé les Allah Las, en Super 8 évidemment (et en noir et blanc!), en train de se dorer la pilule et de s'ébaudir dans le paysage d'un roman de Steinbeck.
Non cinq, "Catamaran" est aussi clipée... je vous laisse deviner comment...
Cinq chansons clipées sur douze, deux 7 pouces et demi, une production léchée, une tournée internationale... ces zigues-là n'y vont pas avec le dos de la cuiller pour leur premier LP ("long play" pour les béotiens)...
Cet album ne décelait aucune surprise et ne contenait aucune audace, on a du mal à ne pas être étonné en observant l'engouement de certains pour ce disque.
Qu'ont-ils donc de plus que nos Blackfeet Braves ou de nos Growlers à qui ils semblent avoir tout pompé ? Qu'ont-ils inventé, qu'ont-ils ajouté de si mirifique pour que les lauriers de la gloire leur reviennent ?
Il apparaît que la réponse est essentiellement là : rien du tout mais ils savent se vendre.
La fumisterie chez les groupes sus cités a un tout autre sens, ce sont des branleurs, voilà tout.
Il reste que leur nonchalance n'est pas une pose, elle est authentique.
Bref, les Allah Las sont un groupe plutôt médiocre, qui nous sert une version édulcorée, au point de vue graphique comme musical, des groupes beach goth ou assimilés que sont les Growlers, Abigails, Blackfeet Braves etc. Sympathiques à entendre, sympathiques à regarder, mais les canards peuvent continuer à galoper sur leurs trois pattes en toute quiétude.
En passant, pour les clips dans le désert, en Super 8 évidemment, je vous invite à regarder celui de The Desert des Shapes Have Fangs, faites attention c'est un peu plus garage et énergique, ça sied moins à l'écoute en hamac.