"Living out the american dream" : American Life selon B.A.M.

Qu’on les subisse directement ou indirectement, les contextes d’attentats et de guerres entre pays sont rarement les plus joyeux. Ils peuvent servir de moment de réflexion pour la société de même que pour les artistes. C’est du moins ce qui s’est produit pour Madonna lorsqu’elle a conçu entre 2002 et 2003 son neuvième album studio intitulé American life. Tout comme pour l’album Music datant de 2000, la chanteuse a fait appel au Français Mirwais pour produire la plupart des pistes de la galette musicale.

Une galette généralement mal digérée par les Américains puisqu’elle questionne l’idée du « rêve américain » et critique le choix du président George W. Bush d’engager le pays dans la guerre en Irak. Le climat de conflit armé a d’ailleurs inspiré les photos et la pochette de l’album à la mode militaire devant un drapeau américain déstructuré. Visage fermé et cheveux noirs coiffés d’un béret, Madonna (eh non ce n’est pas Che Guevara) entend bien dénoncer la guerre… mais parler aussi d’elle et de sujets plus légers, et heureusement !

Le sujet est néanmoins abordé dès le début de l’album qui s’ouvre avec la chanson éponyme, la controversée « American life ». Les paroles de ce lead-single proposent une réflexion sur le rêve américain et la célébrité, avec un troisième couplet en rap impeccable. Pour le clip, c’est plus compliqué. Le premier clip montrait un défilé à la mode militaire se concluant par l’irruption d’une Madonna féroce avec des images de guerre assez violentes. Ce clip audacieux a été censuré par l’artiste elle-même pour le remplacer par un plus soft la montrant simplement devant des drapeaux de divers pays. Un coup de com qui n’a pas fonctionné et qui a même refroidi le public étasunien…

C’est ensuite au tour du star-system hollywoodien d’être traité dans « Hollywood », à la fois dans les paroles et le clip satirique fait de coupes de cheveux touffues, de botox, de plumard, et d’exercices de souplesse sexy bien exécutés ! Je trouve l’alliance guitare/électronique parfaite, faisant d’elle l’une de mes chansons préférées de Madonna. L’autodérision reste de mise pour « I’m so stupid », où les effets sonores vont et viennent pour s’ajouter aux notes folk. Probablement la piste la plus solaire de l’album, « Love profusion » est un single que j’aime beaucoup aussi et qui laisse plus de place à la guitare et de discrets chœurs masculins, permettant de mettre en valeur la voix de l’artiste. Solaire certes mais les paroles ne se défont pas d’un contexte peu réjouissant (« too many questions », « no comprehension », « much destruction »).

L’électronique supplante ensuite les guitares dans « Nobody knows me », dansante mais aussi très vocodée. Le résultat peut être déroutant mais il me plaît bien ! D’autant plus déroutant que cette piste s’insère entre deux où les guitares sont dominantes, puisque la chanson suivante est l’émouvante « Nothing fails », folk avec une légère influence R’n’B. Le gospel qui intervient à la fin lui apporte un charme supplémentaire. « Intervention » est un peu dans le même style folk mais aux paroles plus personnelles pour Madonna qui évoque sa maternité et son amour pour son enfant (elle avait à l’époque une fille de 6 ans et un fils de 2 ans et demi avec Guy Ritchie). La vraie balade folk lente de l’album vient ensuite : « X-static process ». Bel effort pour la voix sensible et dépouillée mais personnellement c’est la seule piste que je n’aime pas trop et que je zappe.

Je suis pour ma part plus enthousiasmé par « Mother and father » qui prend son contre-pied de par ses sonorités électroniques dansantes assez funky. Le sujet abordé n’est toutefois pas si joyeux puisque l’artiste se remémore la disparition de sa mère lorsqu’elle n’avait que 5 ans (« My mama die and I was sad »). La dixième piste de l’album, « Die another day », n’est autre que la chanson exploitée pour être celle du film James Bond : Meurs un autre jour. Son ambiance est plus sombre, ce qui se voit d’autant plus dans le clip alternant des scènes où Madonna se bat et d'autres où elle est torturée. L’atmosphère ne se dégage pas plus sur la dernière chanson, « Easy ride » qui clôt très bien l’album. Le violon déjà présent sur la piste précédente prend ici plus de place, soulignant le ton plus sérieux et préoccupé de la voix qui ne décolle guère vers les aigus pour rester au médium.

Contrairement à ce que laissait présager la pochette et la communication autour de l’album, celui-ci n’est heureusement pas beaucoup porté sur la critique politique. Il s’agit plutôt d’une remise en question du rêve américain, de la société, mais aussi de Madonna elle-même, sans effet de lourdeur. Le point fort de cet album selon moi c’est que les éléments acoustiques (les guitares reviennent souvent) s’accordent parfaitement aux sonorités électroniques, chacune venant parfaire l’autre et la voix aussi. Certains jugeront cette voix sublimée, d’autres trop trafiquée. Les deux n’ont pas tout à fait tort mais le résultat est de très bonne qualité.

Un pari risqué au vu des audaces entreprises par American Life : remises en question, mariage guitare/électronique, une voix retouchée, trois clips audacieux (satiriques et/ou violents)… Les médias et le public étasuniens ont eu vite fait de lui tourner le dos, faisant tomber les ventes de l’album à 5 millions d’exemplaires dans le monde contre 11 M pour Music (heureusement que les publics canadiens et français étaient plus enthousiastes). Probablement ne sauront-ils jamais qu’il s’agit pourtant d’un très bon album, un des meilleurs de l’artiste.