7 ans après la mort mystérieuse de Jim Morisson, à la vie aussi paradoxale que celle de Rimbaud, ses comparses des Doors ont souhaités lui rendre un hommage, avec ces archives très particulières signés du chanteur. Cependant, une précision importante est à faire: les Doors ne sont pas, et n'ont jamais été, le groupe de musique le plus soudé du monde, loin de là. John Densmore n'a jamais pu sacquer Morisson (et ça rend son hypocrisie post-mortem insupportable), Robby Krieger était son rival artistique direct et même Ray Manzareck en avait marre de lui pour les derniers disques de The Doors. Cependant, ils savaient qu'ils n'étaient plus rien sans lui... Y'a qu'à voir comment ils se sont disputés son héritage par la suite. Alors, musiciens magnifiques, d'accord. Mais amis, non. C'est un hommage à l'évidence sincère, mais il n'a pu être possible qu'avec le recul. Morisson leur a mené la vie dure, et je crois qu'ils n'ont compris tout ce qu'il leur a apporté professionnellement qu'après coup. Faut dire qu'il a fait toutes les conneries imaginables, il s'est encrapulé le plus possible... pour être le plus Voyant possible.
Et c'est ce que cet album veut valoriser. Cette adaptation musicale, par ses propres musiciens, après sa mort ne peut que donner un certain vertige. En tout cas, c'est un très beau cadeau, surtout que cet album est véritablement construit comme une déambulation dans l'Amérique macabre de leur ex-leader. Rien que l'ouverture est impeccablement placée. "A Feast of Friends" est diablement efficace, superposer une récitation de Morisson sur "Riders on the storm" ne pouvait que me fasciner, et la version live de "Roadhouse Blues" est d'enfer. En ce qui concerne le poème-fleuve en lui-même, je trouve que le style de Morisson, lyrique et bourré d'images intéressantes, s'use néanmoins assez vite. C'est le risque, c'est toute une gymnastique très alambiquée. Ça rend l'album encore plus inaccessible, pour les non-anglophones ou les non-bilingues. Et c'est dommage je trouve, parce que le ton de Morrisson, assez terne sur plusieurs morceaux, ne peut donc pas nous embarquer dans certains passages compliqués juste par la puissance doucereuse de sa voix. Sa poésie alors n'est jamais aussi bien retranscris... que chantée.
Mais cet album est complètement à part, et restera à jamais à part. Il reste un objet de fascination, qui aurait juste mérité meilleur habillage vocal, et même parfois musical ! Je le conseille quand même vivement, car il y a certains extraits qui donnent vraiment des frissons, même lorsqu'on ne le comprend pas ; au fond, ce disque, on le ressent plus qu'on ne l'écoute.