Les Doors se décident enfin, sept ans après la mort de Jim Morrison, à sortir un véritable album hommage à leur chanteur décédé. Ils le font pour cela revenir d’entre les morts et se placent en retrait pour accompagner musicalement ses poèmes récités. Et pour la première fois depuis L.A. Woman a-t-on vraiment l’impression de retrouver le groupe tel qu’il était avant 1971. Certes, An American Prayer est une œuvre très particulière ne contenant pas vraiment de chanson classique et semble donc moins spontané que les albums sortis du vivant de Morrison, mais cela lui permet d’acquérir une aura de requiem où les obsessions du chanteur s’entrechoquent une dernière fois sur les atmosphères créées par ses collègues.
L’album est ainsi divisé en cinq mouvements où se côtoient textes inédits et extraits de morceaux préexistants, couvrant toute l’étendue de la carrière du groupe – on trouve des bouts de « The End » comme de « Riders On The Storm » – sans pour autant chercher l’exhaustivité. L’ambiance générale reste néanmoins assez proche de celle des deux derniers albums faisant intervenir Morrison, rugueuse et marquée par le blues. S’il est difficile de faire ressortir un extrait en particulier tant An American Prayer apparaît comme une suite parfaitement cohérente, on peut saluer « Awake » comme une très belle introduction, démarrant par les cris d'un Morrison qui enjoint l’auditeur à pénétrer dans son monde cru puis enchaînant par la parfaite symbiose entre les musiciens accompagnant la voix du chanteur, sans dénaturer sa magie mais en renforçant son rythme, sur « Ghost Song », qui pourrait être le « tube » de l’album. Les ambiances apocalyptiques de « World On Fire » sont aussi particulièrement remarquables, la chanson « Roadhouse Blues » y étant reprise dans son intégralité, mais avec une lecture plus décadente, ainsi que le final « An American Prayer », reprenant les instrumentations de « Ghost Song », « The End » et « Albioni’s Adagio In G Minor » dans une emphase progressive, offrant une superbe conclusion à l’album.
L’aventure des Doors s’achève alors sur une note assez éloignée de celle plus romantique et psychédélique de ses débuts mais en mettant à l’honneur un aspect depuis toujours inhérent à son identité : la sombre poésie de Jim Morrison, sa figure totémique devenue mythique.