Prenez le génie rétro-pop de Bruno Mars et la néo-soul, le rap, le R&B d'Anderson Paak, rajoutez-y des paillettes, quelques effluves des années 70, mélangez bien, démoulez, vernissez l’objet avant de servir, voilà! Vous avez devant vous “An Evening With Silk Sonic”
Certes, ce n'est pas très inattendu venant de Mars, dont la version précédente, “24K Magic” de 2016, est une démonstration acrobatique de rétro-Funky-R&B. Les projets de Paak, cependant, sont plus fermement ancrés dans le 21e siècle, ce qui signifie que ce qui émerge des deux moitiés de Silk Sonic est bien plus que la somme de ses parties. Est-ce que je suis assez clair?
An Evening With Silk Sonic est un engagement envers le pastiche. C’est l’inverse d’une imitation de style.
Au cœur de cet album se trouve une sorte de nostalgie opulente, virant très volontairement au kitsch, mais toujours dans le but de pousser les auditeurs à se délecter de la musique.
C’est très clair dès le morceau d’ouverture sobrement nommé “Silk Sonic Intro” alors que les harmonies a capella et les poussées de grosse caisse cèdent la place à une vaste section de cuivres tandis que les synthétiseurs et les cordes se bousculent pour attirer l'attention. Le bassiste de renom Bootsy Collins se présente ici comme le “Blaster of the universe” et réapparaît tout au long du projet pour offrir des morceaux de sagesse ; sa position même en tant qu'hôte de l'album accorde une validation instantanée à l'ensemble Silk Sonic.
Bien que ce qui suit ne dure pas plus de 30 minutes avec 8 morceaux, Pas un instant n’est perdu. Il est immédiatement évident combien d'efforts ont été consacrés à ces morceaux, à la fois du côté de la production et de l'écriture. Chaque arrangement est méticuleusement construit et rempli de détails riches, chaque chanson explorant une muse artistique différente. Même le séquençage semble intentionnel, suivant l'arc d'un spectacle “Live” fascinant.
L'amour du groupe pour leurs antécédents artistiques explose de toutes parts, chaque seconde.
Avec une oreille au minimum attentive, on y entend de nombreuses allusions et points de référence musicaux.
Mais autant le disque est une lettre d'amour à l'époque, autant c'est aussi tout simplement un ensemble de chansons qui tue. Mars et Paak sont tous deux des interprètes accomplis et les deux, ensemble, sonnent à merveille, en osmose. Le style plus avant-gardiste de Paak convient parfaitement aux styles funk vantards de “Fly As Me” et aux hurlements sauvages “James Brown-esque” de “777”, tandis que le personnage d'homme amant et plus lisse de Mars n'a jamais été aussi séduisant que sur “Leave the Door Open” , dont les harmonies luxuriantes m’ont fait terriblement penser au trio THE O’JAYS, et “After Last Night” où les superbes basses de Thundercat accompagnent la sensualité des accords.
"Put On a Smile" a la magie d’un monument tel que “The Tracks of My Tears", avec la voix de Mars montant haut dans son falsetto pour une performance digne de Smokey Robinson.
Plus tard, après la déflagration “777” et cette ligne jouissive de Paak : “Moonwalk to the money like I'm Mike Jack”, l’album vire au disco classe, les cordes tourbillonnantes de "Skate" nous tourne les sens et se termine par une explosion stratosphérique de soul psychédélique sur "Blast Off". Autant le groupe joue avec les genres, autant ils restent aussi d'une remarquable cohésion, le tout sans rechaper les mêmes idées.
L'autre constante de l'enregistrement est à quel point Paak et Mars martèlent tout au long qui ils sont. Les personnages qu'ils habitent virent presque à la parodie, les présentant comme des joueurs riches et caricaturaux dépensant de manière extravagante pour celle qui sera choisie pour la nuit. Le seul aperçu de la vulnérabilité, "Put on a Smile", est tout aussi rapidement suivi de Mars et Paak qui nettoient les casinos sur le funk de "777".
En fait, pour faire simple, dans le monde de Silk Sonic, le champagne ne cesse de couler, la fête dure toute la nuit et tout le monde s'amuse.
C’est pas plus compliqué que ça.
“An Evening With Silk Sonic” vous ramènera à une époque brillante où le talent était la partie la plus vitale de l'industrie musicale.
Et qu’est ce que c’est bon d’y retourner!