Dans quelques heures, j'aurais 20 ans. Sur l'échelle de l'Humanité, parce que j'aime me mettre sur son barreau de temps en temps, moi qui la fuis jusqu'à m'en torturer, je n'en suis qu'à 5 minutes d'éternité. C'est fou, comme un 0 suivant un autre chiffre, lorsque cela concerne le Temps, nous force à nous remettre en question et à s’interroger sur son avenir. Qu'ai-je appris, durant ces 20 ans ? Je ne crois qu'en la solitude, le reste n'est que notions abstraites et aléatoires pour moi. Je ne me sens équilibré que dans un état second, et ça n'implique pas le bien-être. Tout ce qui était susceptible de me donner du bien, je l'ai rejeté, comme un refus catégorique du bonheur. Je suis né en m'étouffant, je crois que je mourrais en brûlant lentement. J'suis pas Cobain, j'suis qu'un vagabond dans un monde qui vole trop bas pour moi. J'ai voulu tant de choses que j'ai été incapable de prendre : l'amour, le don, la communication avec tous... Je crois que j'ai tout sacrifié pour une illusion d'indépendance, pour une liberté qui n'en a jamais assez, pour des pulsions qui me traineront jusqu'à la tombe. Mais j'ai envie d'hurler, toute la nuit, entouré de démons, dans des forêts hantés par la Mort. J'ai envie de prendre les arbres dans mes bras, n'importe quel couillon dans la rue pour un verre de bière Belge. Mais il y a tant de bienséances qui me trucident. Je hais la dictature de la Bien-pensance, si hypocrite en notre époque, où la Haine n'a jamais été si facile à propager. Je m'y sens de moins en moins à l'aise... Je me sens de moins en moins à l'aise tout court. Je vis chaque journée en me disant que je peux crever à tout moment, je m'use jusqu'à la corde, pour ne retenir que des échantillons de vie trainés ça et là. Mais il n'y a que la Tragédie de l'Homme en ce monde qui ne veuille dire quelque chose, j'ai l'impression. Personne ne peut indiquer aucune voie à suivre ; personne ne vaux mieux qu'un autre. On est tous endoctrinés par quelque chose. Et si on veut y échapper, on finit comme moi, par rater son enfance pour des histoires et à laisser échapper ses amours car étant trop lâche pour continuer. C'est paradoxal: j'ai lutté. J'ai fait que ça, même. J'ai combattu la schizophrénie et l'autisme ; j'ai sauvé une vie, puis l'ai réhabilité psychologiquement ; j'ai eu mon Bac alors qu'il était condamné à 2 mois des derniers examens ; j'ai réussi ma réinsertion en sortant d'un hôpital pour ados... On me dit souvent que ma vie est riche. Je ne vois que chaos. On me dit que je suis un mec bien, on me respecte. Moi, je vois qu'un clown, qui supporte même pas qu'on lui dise Je T'aime. Une bête sauvage, voilà ce que je suis. Heureusement, certaines musiques m’apaisent, et mon Désespoir s'en retrouve radouci et alangui dans un Océan de sanglots délivrés. Angus et Julia Stone, mes paumés du désert, reviennent se hisser du haut de mes buildings suicidaires, mais toujours naufragés dans un monde d'ores et déjà noyé par ses propres capitaines. Désespérés, anarchiques, mais magnifiques. Le long de l'écoute, indéfiniment redécouverte, nous pénétrons ensemble des tunnels de sécheresses humides. Et c'est Beau, tout simplement. Qu'importe alors les éboulements. J'ai que moi, de toutes façons, et le fait de le savoir, croyez moi, ça me rend de moins en moins accessible. J'ai tellement de pardons à dire, que je ne dirais jamais, parce que je n'arrive qu'à me barrer. Finalement, ces albums, rêveurs comme la Musique et parlant mieux que tant de personnes, s'expriment en mon nom. En particuliers le dernier titre de celui-ci, "Crash + Burn". Effectivement, on s'est crashé, mon amour, et ma vie avec. Je regarde les poussières retomber sur mon crâne incliné ; j'ai tant appris sous la coupole de la Mélancolie, au bout du compte...