Je me souviens avoir lu il y a longtemps le livre de George, j'avais pas tout compris, c'était probablement trop tôt... J'ai aussi souvenir d'avoir vu le film adapté, l'un des premiers chef d'oeuvre de l'adaptanimation, j'avais eu la trouille, c'était probablement trop tôt... Le dernier qui m'ait conté l'histoire de la ferme c'est cet album des Floyd, le meilleur album des Floyd. Mais bizarrement, celui-là est arrivé à pic, je l'ai absorbé comme il m'a absorbé et aujourd'hui je veux en parler !
Trois animaux sont encerclés par la surveillance des 2 Pigs on the wing : Les chiens, les cochons et les moutons. On ne nous la fait plus évidemment, la satyre crève les yeux sans même avoir lancé le diamant sur l'album.
Mais autre que les titres des musiques, le premier vrai contact qu'on a avec cet album c'est sa pochette, sa splendide pochette. Cette belle usine aujourd'hui réduite à néant, malheureusement, évoque directement le contexte de cet album ; on se trouve donc à l'ère où le ciel se noirci autant que le cœur des Hommes. Mais, ne soyons pas si pessimistes, le ciel est encore bleu et les couleurs chaudes... Tant sur les murs de l'usine que sur la peau plastique du cochon gonflable qui la surplombe. Et oui, il est au dessus de tout ça, aux manettes. J'aime à penser que s'il est là, c'est parce-que, asservis comme nous sommes, on en oublie de regarder le ciel. Il devrait juste faire attention de ne pas trop monter, ce genre d'ascension ne réussit guère beaucoup aux gros qui ne manquent pas d'air !
On est accueilli dans l'album par la voix de Rogers et par une guitare acoustique, denrée bien rare chez les Floyd... Je ne m'étendrai pas sur les paroles, il y parle apparemment de sa compagne, mais, tout ce qu'il faut retenir c'est que ça reste une introduction en contraste de ce qui suit.
Dogs, Gilmour ouvre la danse, air bien plus lourd, plus pollué, les chiens restent en bas. Bien qu'ils soient là pour conserver l'ordre des classes, ils ne se soucient guère du leur. N'étant finalement que des moutons élevés avec des crocs. On a droit à une pièce épique de 16 minutes ou s’entremêlent de magnifiques paroles et des solos de guitare spectaculaires, rien ne manque, tout y est. Le clavier de Wright sonne des mélodies inoubliables qui résonnent tels des hurlements, paraissant plus vrais que les samples d'animaux. Si vous êtes un peu siffleur à vos heures perdues, vous adorerez encore plus Dogs, tant de matière pour siffler les riffs de guitare... Si vous ne sifflez pas, vos oreilles s'en occuperont quand vous vous reconnaîtrez dans les paroles. Car oui, nous sommes tous des chiens au fond, autant que nous sommes des moutons et des cochons. Nos privilèges de naissance décideront pour nous quelle partie prendra le dessus, faisant de l'ombre aux autres, mais jamais les détruisant.
Si je devais garder une seule phrase de ce morceau, ce serait celle qui revient à plusieurs reprise : "who was dragged down by the stone", qu'on interprète comme on veut évidemment. Pour moi, cette pierre c'est celle des actes qu'on commet pour ce qu'on nous offre comme étant juste. Elle a pour caractéristique de prendre sa véritable masse quand on finit par se rendre compte de la supercherie. Et c'est au moment où on tente de se repentir qu'on est englouti, emporté par le poids de la pierre, on est un chien ennemi de tous ; persécuteur de moutons, allié de circonstance du cochon et méfiant envers ses pairs - tout est perdu.
Tout ? Non, il suffit d'arrêter de mentir, de se mentir, de sortir de là et d'accepter sans renier ce que l'on est. Ce qui est fait ne peut être défait, mais le présent est matière à être modifié si volonté y est prêtée.
Vient ensuite Pigs qui débute directement sur des cris d'animaux pour nous rappeler à qui on a affaire. Il se targue d'être tout en haut, mais au final c'est lui qui se prend le plus de bourrasques néfastes... Une vie qu'on croit mener, au final entravée par un cruel manque de compréhension, sous toute ses formes. Le cochon comprend à peine ce qu'il veut et ne peut que se satisfaire de ses désirs cruels et capitaux. Omnivore, il se repaît de tout ce qu'il trouve sans y distinguer le bon du mauvais. Les sonorités plus aiguës et la plus importante distorsion nous embarquent dans la demeure des patrons, même le son semble plus haut placé et descriptif.
Rare sont ceux qui deviennent cochons, ceux-ci sont généralement mal vus. Non, on naît cochon, on ne le devient pas, un constant renouvellement ; A gagner en importance, on finit par perdre en condescendance, quelques vies difficiles valent bien ma vie douce non ?
Faits intéressant, le titre nous donne pour indication qu'il y aurait trois sortes de cochons et c'est probablement pas une question de couleur ou de langue.
Un dernier solo de guitare vient clôturer violemment la porte de la céleste demeure du maître avant de nous envoyer balader dans le bas monde des moutons, bienvenue chez nous.
Sheep donc, qui commence doucement, là encore avec des samples en fond et une mélodie douce et bien plus accueillante. Mais la n'était qu'une porte de façade, avant de rentrer dans le véritable enclos, celui du complot. La mélodie laisse place à une basse agressive et à des voix explosives, c'est la révolution, elle se prépare. Qui a dit que le mouton se satisfaisait de sa condition ? La réalité est qu'aucun d'entre eux n'est satisfait, le chien ne veut plus être une patte armée, le cochon en veut toujours plus et le mouton demande rétribution.
On peut entendre d'après mes humbles oreilles dans Sheep des bruits d'usines, on y est enfin, dans l'usine, et non pas au-dessus. Sans moutons, pas d'usines et pas de cochons... Mais sans cochons, qui fait travailler les moutons ? Qui a besoin de qui et dans quelle mesure ?
Toute utilité est connectée à la suivante et ainsi de suite, le cercle commence à devenir pyramide ascendante quand certains ne font pas mais font faire. D'en bas ils le regardent, le premier cochon était-il le plus malin des moutons ?
Les hurlements humains de Sheep et les voix s’effaçant en spirales sonores sont suivies d'un changement de ton net, la mélodie est joyeuse et festive, la révolution est un succès ? Le mouton est-il sorti de son ignorance et de sa servitude ? Peut-être jusqu'à la prochaine fois, où le prochain cochon sera encore plus malin pour encore mieux cacher qu'il s’empiffre dans l'ombre.
Fait que je trouve confirmé par le final de la musique, où on retrouve les premiers samples de moutons, la boucle est bouclée.
L'album se termine donc sur la dernière partie de Pigs on the Wing. Et quel album, rare sont ces perles mêlant politique, justice sociale, psychologie sociale et musique avec une telle habileté. L'héritage de George Orwell est en sécurité. J'ai écrit tout ça de manière si spontanée que je n'y comprends plus rien en le relisant, c'était probablement trop tôt...