En pleines crises économique et sociale, l’Angleterre des mid-seventies offre deux alternatives au peuple britannique : Margaret THATCHER, devenue leader des conservateurs en 1975 ou – pour les plus jeunes – la rébellion. Celle-ci se manifeste notamment à travers le mouvement punk, dont le mot de ralliement est précisément no future. Pour Roger WATERS, qui va conforter son influence et son autorité sur les autres membres du Floyd (il écrit la totalité des paroles d’Animals, compose 4 des 5 plages du disque et assure – pour la première fois – le chant), le moment est venu de s’engager davantage.
Pour cela, il s’inspire de La Ferme des animaux de George ORWELL (l’auteur de 1984), afin de se livrer à une attaque en règle du capitalisme. WATERS divise la société libérale en trois classes : les cochons, qui représentent les capitalistes, caste dirigeante corrompue qui détient les outils de production et incarne la réussite sociale ; les chiens, symbole de la petite et moyenne bourgeoisie, qui aspire à accéder un jour au stade supérieur ; et les moutons, immense masse prolétarienne qui n’a d’autre choix que d’obéir aux cochons et aux chiens. David GILMOUR restera assez réservé sur la vision sociale intransigeante de son partenaire…
Musicalement, le 10ème album studio de PINK FLOYD se démarque de ses prédécesseurs par un rock brut sans fioritures, qui traduit l’indignation et la colère de Roger WATERS devant l’état de l’Angleterre telle qu’elle est devenue. Dans une interview publiée en 1994, David GILMOUR affirme avoir été la "première force musicale" pour Animals, tandis que Roger en a été "le déclencheur et le parolier".
1. Enregisté au dernier moment, Pigs On The Wing était à l’origine un morceau d’environ 3 minutes que WATERS décida de couper en deux pour le mettre en introduction et en conclusion de l’album. Cette ballade acoustique est une déclaration d’amour de WATERS à sa nouvelle femme, un rayon de soleil dans ce disque résolument sombre.
2. Dogs a été principalement composé par GILMOUR, qui chante sur la première partie du morceau et qui assure toutes les parties de guitares. Cette chanson – la dernière de PINK FLOYD à être aussi longue (plus de 17 minutes) – dénonce l’opportunisme de la bourgeoisie et sa propension à trahir ceux dont elle s’est attiré la confiance. Mais ce système conduit au reniement et à l’aliénation… Il s’agit d’un des titres phares d’Animals, illustrant une approche musicale différente, plus agressive que par le passé. En outre, la batterie de Nick MASON occupe une place centrale dans ce morceau.
3. Comme son titre l’indique, Pigs (Three Different Ones) est divisé en trois couplets : le premier décrit les hommes d’affaires dans leur ensemble, le second prend pour cible une femme (Margaret THATCHER ?) dépourvue de toute humanité, et le troisième vise clairement Mary WHITEHOUSE militante pour le retour aux valeurs puritaines de la vieille Angleterre. Musicalement, le morceau bénéficie d’une superbe intro (notamment grâce à l’orgue Hammond de Rick WRIGHT). En plus des guitares, David GILMOUR joue de la basse, tandis que WATERS ‘se contente’ d’interpréter son texte.
4. Sheep : WATERS traite ici des moutons, masses laborieuses et suiveuses qu’il décrit comme des animaux soumis et craintifs, sous l’influence des classes dites supérieures, mais la révolte semble inexorable ; et c’est par un très bon solo de plus d’une minute 30 que Rick WRIGHT ouvre le morceau, qui, une fois lancé, devient sans doute le plus dynamique de l’album. WATERS enregistre ici pour la première fois une rythmique à la guitare.
5. Roger WATERS est juste accompagné par sa guitare acoustique sur Pigs On The Wing (Part 2) qui conclue l’album dans la simplicité et l’émotion. Cette chanson apporte des réponses aux interrogations formulées dans la Partie 1 : sa femme est là pour le guider sur le droit chemin, lui éviter la solitude et surtout le(s) mettre à l’abri des cochons volants.
Bien que succédant aux excellents Dark Side of the Moon et Wish You Were Here et malgré quelques réserves dans la presse musicale, Animals, qui sort en janvier 1977, connaîtra le succès : n°2 au Royaume-Uni, n°3 aux États-Unis et n°1 en France, en Allemagne fédérale, en Espagne et aux Pays-Bas. Pour l’anecdote, il s’en écoulera 200.000 exemplaires de plus dans l’Hexagone qu’au RU !