On savait déjà avant la parution de l'objet qu'il ne pourrait être aussi fabuleux que le précédent, puisque ce dernier concernait l'âge d'or de Neil Young, alors que celui-ci concerne en grande partie la désastreuse décennie 1980.
Revue de détail :
CD1&2 Across the Water (1976)
Excellent album live enregistré en mars 1976 à l'Hammersmith Odeon de Londres et au Budokan de Tokyo. Ça ne vous rappelle rien ? Évidemment que si, pour ceux qui suivent. Sur le Vol. II des Archives, le disque le moins satisfaisant du lot était Odeon/Budokan tiré de la même série de concerts que celui-ci, mais décevant parce que beaucoup trop court. Pourquoi alors ne pas avoir mis Across the Water à la place ? Même si, il faut l'admettre, le son est un peu moins bon cette fois. Et ce n'était peut-être pas non plus nécessaire de placer deux fois "Cortez the Killer". Même si on l'aime beaucoup.
On a pris l'habitude, depuis le temps, de voir beaucoup d'espace des Archives utilisé pour pas grand chose (des kilos de titres déjà présents sur des albums qu'on a déjà depuis belle lurette). Sans toutes ces redites, les trois volumes d'Archives de Neil Young déjà parues tiendraient sur environ dix cédés. Et ici, le premier exemple de ce type est le troisième disque.
CD3 Hitchikkin' Judy (1976)
Tout ce qui est là-dessus est certes de grande qualité. Mais à quoi ça sert ? on a tout sur les albums (Hitchhiker, Songs for Judy, The Last Waltz et American Stars' n Bars) à l'exception d'une dispensable demo de "Lost in Space" au piano. Donc, sans intérêt.
CD4 Snapshot in Time (1977)
Un des disques les moins passionnants de la boîte : les demos d'Amercian Stars 'n Bars enregistrées par Neil à l'acoustique dans la cuisine de Linda Ronstadt avec Nicolette Larson, pour leur jouer ses nouvelles chansons. Ambiance sympathique, certes, et tout ça. On a l'aspect documentaire du truc, comme d'hab' dans ces cas-là. Oui, bon d'accord. Le poncif veut qu'on trouve ça plein de charme et "d'authenticité" pour parler Télérama, mais en fait, c'est chiant et on ne l'écoutera pas plus de deux fois dans sa vie. En plus, avec un son très limité d'album pirate pour fan hardcore. On y trouve un inédit qui ne marque pas, "Sweet Lara Larue".
CD5 Windward Passage (1977)
Aussi inutile que le cédé 3 puisqu'il s'agit cette fois d'extraits du très bon High Flyin', paru il y a deux ans. Sans intérêt si ce n'est peut-être "Cryin' Eyes", qui ne paraîtra sur album que dix ans plus tard (Life).
CD6 Oceanside/Countryside (1977)
Enfin quelque chose de vraiment digne d'intérêt ! La version originelle de Comes a Times (pour plus d'infos : https://www.senscritique.com/album/comes_a_time/critique/48296002). On regrettera seulement que les titres de l'album soient présentés dans l'ordre strictement chronologique d'enregistrement et non dans le séquencement de l'album présenté à Warner. Mais après tout, on n'est pas sûr qu'il y en ait jamais eu un. Peut-être que Young leur a présenté comme ça en 1977 ?
CD7 Union Hall (1977)
On n'est pas tellement plus enthousiasmé par ces répétitions d'un show avec Nicolette Larson et le Gone With The Wind Orchestra que par les démos d'Amercian Stars 'n Bars du cédé 4. Mais on trouve toutefois de réels inédits enregistrés en studio ("We're Having Some Fun Now" et "Please Help me, I'm Falling") ainsi qu'une nouvelle version de "Love/Art Blues" qui ne s'en sort pas mal.
CD8&9 Boarding House (1978)
Ce double-live acoustique documente les concerts donnés en solo au début de l'année 1978, durant lesquels Young a fait découvrir pour la première fois au public tout un tas de futurs classiques (à cette époque Comes a Time, Rust Never Sleeps et beaucoup d'inédits de Zuma et autres ne sont toujours pas parus). C'est d'ailleurs très marrant d'entendre un gars dans le public lui crier « Your new stuff is better than your old stuff ! » Autre passage intéressant, la version de Hey Hey My My créée avec Devo. Cela dit, ça fait bizarre de tomber là-dessus en plein milieu du set acoustique. Je sais que c'est pour respecter la chronologie pure des enregistrements, mais parfois on peut faire une petite entorse pour que l'ensemble sonne mieux. Ah ! Oui. Il y a aussi un truc un peu agaçant et nouveau inauguré par ces Archives Vol. III, c'est Neil qui vient parler pour nous présenter certains enregistrements sans que ça apporte grand chose.
CD10 Sedan Delivery (1978)
Même combat que les cédés 3 et 5. Hormis le fade inédit d'ouverture avec le Crazy Horse ("Bright Sunny Day"), il ne s'agit que d'une compilation de Live Rust et Rust Never Sleeps. Sans intérêt.
CD11 Coastline (1980-81)
On pourrait dire à peu près la même chose de celui-ci que du précédent, si ce n'est qu'il contient un inédit de Hawks & Doves ("Winter Wind") aussi vital que ce que l'on trouve sur la face B dudit album de 1980, et deux inédits des sessions du très sous-estimé Re.Ac.Tor de 1981 ("Sunny Inside" et "Get up"). La première des deux (qui rappelle "In the Midnight Hour") est très sympathique.
CD12 Trans EP & Johnny's Island (1981-82)
Le voilà ! Celui qui mérite le plus d'attention de tout le projet. Évidemment pas pour Trans qu'on a déjà (encore que le mix est meilleur que sur l'album original. Dommage néanmoins que "Sample & Hold" soit raccourcie) mais pour Johnny's Island qui nous permet enfin de reconstituer Island in the Sun que Young avait prévu de sortir en 1982 pour inaugurer son nouveau contrat avec Geffen, mais que ce dernier refusa (voir 16e album : https://www.senscritique.com/liste/discographie_chrono_logique_de_neil_young/1802497?mode=preview&page=2). On a aussi droit à trois inédits de la période ("Johnny" enregistrée dans la foulée de Trans et deux morceaux live assez banals, "Soul of a Woman" et "Love Hotel").
CD13 Evolution (1983-84)
On aurait bien aimé également avoir les éléments pour reconstituer le Old Ways originel de 1983 que Geffen refusa aussi. Au lieu de ça, en dehors de la chanson-titre et de "Depression Blues" qui était déjà sur Lucky Thirteen, on n'a rien. Ce qu'on aurait préféré trouver ici plutôt que les extraits de Everybody's Rockin' après lesquels, je pense, pas grand monde ne va courir. Pas de "Berlin" non plus, enregistrée durant la tournée européenne de Trans. On pourra trouver en revanche un certain intérêt aux quatre curiosités électro-rock en fin de disque.
CD14 Touch the Night (1984)
Neil Young avait tenté de travailler à nouveau avec le Crazy Horse en 1984, mais l'inspiration et l'envie n'y étaient pas. Et c'était aussi beaucoup pour relancer Billy Talbot qui sombrait dans l'alcoolisme à cette époque. Ils ont donc fait quelques dates ensemble pour tester de nouveaux morceaux, ce qui ne fut pas très probant. Et on s'en rend compte à l'écoute de cet album pirate incomplètement officialisé (manquent "Powderfinger", "Tonight's the Night", "Cortez the Killer", "Cinnamon Girl" et "Stand by me" chantée par Talbot). Le cédé a une valeur documentaire, mais on ne l'écoute jamais. Trop moche, bourrin et sans âme... 1984, quoi.
CD15 Grey Riders (1984-85)
3, 5, 10 et maintenant 15. Au premier abord, on se dit que si on a A Treasure, celui-ci ne sert à rien. Et ce n'est pas complètement faux, car s'il ne s'agit pas pour certains titres de la version de A Treasure, c'est une autre prise faite à la même époque, et pas forcément avec un bon son ("Amber Jean"). On a cependant droit à un inédit typique de l'époque (country), "Time off for Good Behavior" et à une chanson qui finira trois ans plus tard sur l'immonde Amercian Dream de CSN&Y ("This Old House"). Mais surtout, on trouve une pépite calée à la meilleure place, entre les deux meilleures du lot ("Southern Pacific" et "Grey Riders" - chef-d’œuvre) : "Interstate", qui à l'origine devait paraître en 1985 sur un EP de charité pour venir en aide aux fermiers étasuniens en difficulté. Évidemment, Geffen a dit non.
CD16 Road of Plenty (1986)
Il n'y a que deux morceaux à garder : "Road of Plenty" (futur "Eldorado") et "When your Lonely Heart Breaks". Landing on Water étant le pire album de Young, on peut passer sur ses six extraits abominables.
CD17 Summer Songs (1987)
Déjà diffusé numériquement à Noël 2021 (https://www.senscritique.com/liste/discographie_chrono_logique_de_neil_young/1802497?mode=preview&page=2 22e album). Pas vital.
En résumé : quelques bonnes choses (mais trop rares par rapport à la masse proposée) et beaucoup trop de remplissage, de redites (vu que ce genre de boîte s'adresse aux aficionados qui ont déjà toute la discographie officielle et pas au grand public), souvent live et pas forcément de bonne qualité sonore et des manques (le Old Ways originel notamment). Quatre cédés inutiles et les deux excellents premiers n'étant pas à leur place et qui ne semblent être là que pour relever le niveau général.