Debout les braves la charge est sonnée, balles pleines d'encre et stylos chargés !
Après un Saison 5 plutôt mitigé, IAM revient avec un album moins impersonnel et renoue partiellement avec le style de L'École du Micro d'Argent, histoire de nous prouver que le groupe n'a rien perdu de sa superbe.
Arts Martiens est assez surprenant. C'est un album à deux vitesses, qui opère à la fois un changement radical de ton et un retour en arrière assez appréciable.
Au niveau des textes, c'est un album assez inégal. Tantôt génial, tantôt faiblard, Arts Martiens oscille constamment entre la créativité et la facilité. Il peine à trouver le juste équilibre. Les paroles sont plus lourdes et amères, emplies de désillusions. Le monde ne s'est pas amélioré, il a même empiré et tous les combats menés par les rappeurs français depuis les années 1980 n'ont servi à rien. Triste constat. Cependant, IAM ponctue régulièrement cet album de petites pointes d'espoir qui ravivent la flamme passionnée qui anime le hip-hop et ses adeptes depuis des dizaines d'années.
C'est en cela que Arts Martiens est efficace : il transmet de l'émotion et ça, clairement, ce n'est pas à la portée de n'importe quel artiste. IAM parvient avec cet album à nous faire ressentir la rancœur pour cette société conservatrice et individualiste qui refuse de regarder la réalité en face, et en même temps, il nous tend une main pour nous aider à nous relever et à affronter un avenir qui s'annonce difficile mais pas insurmontable si l'on prend la peine de se comprendre les uns les autres. Finalement, les thématiques abordées sont toujours les mêmes, mais la manière de les exposer est différente, peut-être plus violente, dans le sens où elle ne fait plus de concessions et montre directement la réalité.
Pour ce qui est de la musique, là aussi ça fait plaisir. On retrouve des sonorités asiatiques qui rendent toujours aussi bien, mais aussi de nouvelles expériences, qui font souffler un vent épique sur l'album. Encore une fois, on passe de l'amertume à la lutte énergique, ce qui n'est pas toujours maîtrisé à 100% mais qui est intéressant, dans la mesure où cette variété renouvelle l'album au fur et à mesure et que les fréquentes ruptures de ton jouent sur les émotions du public qui sera déstabilisé et, de ce fait, touché plus profondément par la musique.
Là où je suis déçu, c'est concernant les performances de Shurik'n et Akhenaton qui ont moins l'air en forme qu'à l'accoutumée. Le flow se veut plus lent, plus grave, moins sautillant. Alors certes, c'était déjà le cas dans Saison 5, mais c'est encore plus visible, ou plutôt audible, dans Arts Martiens.
Finalement, Arts Martiens, c'est l'album qui a tenté de relancer la machine à créativité mais qui s'est un peu viandé. Même si les choix artistiques d'IAM sont pertinents, Arts Martiens reste un album profondément déséquilibré qui souffre malheureusement de la comparaison avec Ombre est Lumière et L'École du Micro d'Argent. On est bien loin de l'enthousiasme des premières années et on sent bien que le temps commence à peser sur les membres du groupe qui peinent à transmettre un véritable message de révoltés. Heureusement, on est loin du consensuel mou et IAM continue de se démarquer par sa musique recherchée et des textes percutants. D'ailleurs, je crois que Arts Martiens est l'album d'IAM le plus apaisant. Mais il faut s'en méfier, derrière le calme apparent de cet album se cache un fort ressentiment contre les maux qui gangrènent la bombe à retardement qu'est la France d'aujourd'hui.