Lorsque l’on a sorti un album de la trempe de Singles, qui, par sa dénomination même, prétendait au statut de classique pop (et l’assumait de la plus belle manière), il est aisé de perdre pied ; surtout lorsque la formule n’est pas remise en question. On tient là le paradoxe Future Islands : un apparent manque d’ambition le dispute à l’alchimie entre trois musiciens (quatre désormais) tout simplement fusionnels.
Le Future Islands actuel n’a désormais plus grand-chose à voir avec le Future Islands d’avant Singles, lo-fi et rageux par instants. Sur Singles le ton s’est brusquement adouci, la production s’est lissée : le diamant brut a été poli. Le trio a changé de costume mais la masculinité à fleur de peau de Samuel T Herring est toujours là : on pourrait d’ailleurs penser qu’il est le seul pont entre l’ancien et le nouveau Future Islands. Mais mises à part les textures, Gerrit Welmers (synthétiseur) et William Cashion (basse) n’ont guère modifié leur artisanat. Qu’elles vous mettent le grappin dessus, avec leur hooks mélodiques imparables, ou qu’elles soient de prime abord moins perméables, pour finalement s’épanouir à la façon de fleurs qui éclosent, les chansons de Future Islands tiennent toujours à cette harmonie (qui pourrait de prime abord passer pour de la facilité) entre le talent de Welmers – soit naviguer habilement entre la mélodie lead et la simple texture ambient -, et la modestie des lignes de Cashion, dont l’évidence binaire n’a d’égale que sa félinité .
La récente intronisation de Michael Lowry comme batteur officiel (alors qu’il accompagne le trio en tournée depuis 2014) n’est ni plus ni moins que la confirmation de cette volonté d’humaniser leur projet : chaque rôle est défini à merveille, la machine est huilée à la perfection ; trop, prétendront certains. Mais ces quatre cœurs qui battent de concert nous laissent désarmés : faire vibrer la corde sensible sans tomber dans l’affectation est un art difficile à manier ; celui de la délicatesse.