Membre de l'incontournable Scred Connexion, c'est en 2007 que Haroun sort des sentiers battus avec son album solo, une arme de destruction massive. La Scred étant avant tout réputé pour ses textes authentiques revendiquant leurs origines et leur combat, si Haroun se démarquait, c'était avant tout grâce à son flow plus rustre et dynamique, ainsi que son accent pas trop d'chez nous. Et pourtant, si il n'était pas retenu comme le grand parolier du groupe, Haroun se révèle comme étant un putain de terroriste musical disposant plus d'une grenade à sa ceinture, qui explosent tout, à la fois sur le flow, le beat, les rimes et ses récits.
Ce qui marque avant tout lors de l'écoute de l'album, c'est l'incroyable cohérence de chacun des morceaux. Tout se boit cul sec, s'enchaîne avec un dynamisme de folie. À tel point que chacune des paroles finales est cohérente vis-à-vis des premières de la chanson suivante, si ce n'est carrément en lien. Le lien le plus marquant, et par la même occasion le plus réussi jamais fait dans le rap français, est sans doute celui entre Le Zonard, le premier Scratch Fury et Sur Scène, où il fait passer le côté studio au côté scène avec une incroyable aisance technique intelligente. Haroun est vraiment un artiste complet et brillant qui a produit presque tout seul son album. C'est un peu le Rambo du quatrième art.
Pas besoin de se la raconter, pas besoin de jouer les gangsters. Et pour l'inspiration, seul notre vécu fera l'affaire.
Toujours fidèle aux sujets récurrents qu'il avait dans le groupe le plus connu des groupes inconnus, on aurait pu regretter le fait qu'il parle encore et toujours de lui et de ses convictions personnels. Or, le fait qu'il ait des thèmes particuliers pour chacun des titres, fait qu'on ne s'ennuie jamais quand il décharge. D'autant plus que son arme ne dispose que de treize balles. Treize balles perforées de même calibre, qui passent comme dans du John Lennon. Treize balles dont deux interludes à base de bons vieux scratchs à l'ancienne bien kiffants, qui allègent à la perfection Au front. Treize putains de balles capables de buter n'importe quel puriste de rap français.
Et si aucun morceau ne sort vraiment du lot - à part peut-être Voyous ou Le Zonard - tellement que tout est de la bombe, l'album en lui-même dépote et décalotte mon pote.
Énormément de temps ont été accordés pour ce projet, et depuis sa première apparition dix ans auparavant sur le premier projet du compère Koma, il en a dégoupillé des textes et des instru'. Ici tout est est abouti. Particulièrement sur les textes, où il excelle sans cesse avec des rimes riches qui se jouent sur de multiples syllabes. Mais pas de rime pour la rime, ici ça paraît parfaitement naturel, toujours en accord avec le récit qu'il fait avancer avec chaque vers. On a l'impression que le texte est tellement travaillé, qu'il semble impossible de trouver une rime plus adaptée. Haroun nous tabasse tellement fort avec son écriture, qu'il arriverait même à foutre MC Solaar et ses rimes parfois faciles en PLS.
Étant à la base davantage beatmaker, Haroun propose des beat old school paradoxalement très modernes, qui ont le don de marquer sans marteler vulgairement, comme celle de Le Zonard qui inspire une incroyable mélancolie avec sa boucle de violon devenue culte. Et si on peut regretter une certaine linéarité dans ces beats, c'est bien sûr rattrapé par quelques samples ou bruitages qui s'immiscent au milieu de l'instru', pour rendre le tout plus vivant, moins redondant. Haroun fait ce qu'il veut, il te sample du Mickey 3D, et il te fait kiffer. Tu peux rien dire, c'est un guerrier irréprochable aux aptitudes multiples.
Au front, c'est l'album qui fait kiffer les scarlas comme des petites zoulettes. Un album d'une incroyable fracture donnant aux autres rappeurs de multiples fractures. D'une intensité à toute épreuve, où le flow est en harmonie parfaite avec ces textes bruts, où ses rimes sont tout aussi mélodieuses que le beat.
Haroun c'est peut-être un boucher, mais Au front c'est pas la foire à la saucisse hein.