Qui bene amat, Babel Babel castigat

Les premières critiques parues au sujet du dernier album d'Indochine me donnaient des sueurs froides. Ne restait alors en tête que la pléthore de tubes et titres moins connus que j'avais décidé de réécouter par hasard en cette fin d'été. C'est donc imprégné de tout l'amour que j'ai pour le groupe et des critiques très négatives que je m'attaque à cet album que je n'attendais pas, surpris d'en apprendre la sortie.

Autant préciser tout de suite, de prime abord je suis un grand défenseur d'Indochine. Je leur défends le droit d'être qualifié de groupe de rock (leur excellente période des années 2000 en témoigne), je défends la voix intéressante de Sirkis quand elle sait l'être, et je défendrai aussi et l'occasionnelle complexité de certains morceaux - pour en avoir joué pas mal au piano on ne tourne pas nécessairement sur qqs accords en boucle - et les paroles vaseuses pseudo-littéraires made in Nicola.

Ceci dit, force est de constater qu'en effet, Indochine semble assez usé sur cet album. Le précédent n'arrivait déjà pas à pondre de grands titres mémorables (j'en écoute encore certains bien sûr) mais là c'est probablement l'album entier qui risque de passer à la trappe avec le temps.

La faute à quoi alors?

L'échec, tout relatif, est multifactoriel. Le mixage laisse déjà parfois à désirer, l'instrumental écrasant la voix de Sirkis qui parait effacée et bien moins intense qu'auparavant. Les paroles sont toujours perchées, mais à un point où ça frise presque la parodie d'Indochine par Indochine. Enfin, alors que le groupe a toujours été très doué pour les refrains accrocheurs, ces derniers me semblent fort absents cette fois-ci.

Tout n'est pas à jeter évidemment. Certains titres restent sympathiques, y compris le long Babel Babel pour qui on n'entend pas le temps passer. Ces titres sont au nombre de 4 pour moi, ce qui est un ratio assez triste pour un album de 17 titres.

Le reste est assez négligeable, voir un peu agaçant. Et c'est dommage, parce que sur cet album, le groupe a pas mal innové niveau sonorités. Si les mélodies et thèmes restent très identiques aux deux albums précédents, les différents synthés restent assez généreux dans l'exploration de sons. Le problème, c'est que très peu de titres réussissent à exploiter pleinement ces nouvelles sonorités. Ou pire encore, sont gâchés par d'autres éléments (comme des chœurs énervants et très artificiels).

J'apprécie cette audace au niveau des sons, parce que sur le reste, Indochine en a clairement manqué. Sauf que quand Indochine fait du Indochine, ça me dérange pas en général, j'aime énormément le groupe pour son univers musical. Mais il faut néanmoins se maintenir un minimum au niveau des albums précédents. Ce qui ici est plutôt raté.

Indochine est-il ringard pour autant? Je ne pense pas. Leur son de base (celui qu'on connait depuis les années 2000, voir sa variation depuis Black City Parade) ne se démode pas particulièrement, à cheval entre la synthpop et l'électro-rock. Mais peu inspiré et sans réel identité, Babel Babel me rappelle beaucoup certains albums du très gothique groupe Blutengel, qui sort toujours les mêmes mélodies au synthé et les mêmes paroles.

Je pense qu'avec les moyens actuels et le monde actuel, Indochine aurait pu faire mieux et pouvait produire un album pertinent. Honnêtement je me fiche des questions idéologiques concernant le groupe. J'attend d'eux des mélodies accrocheuses et des refrains légendaires. Pas besoin d'atteindre la richesse mélodique d'un Paradize ou les paroles d'un République des Météores. Juste revenir au niveau de 2013, ce serait déjà fort suffisant.

Parce que là, avec sa moyenne de 7,12/10 (je reste généreux mais eh, c'est un style musical qui ne me dégoute pas non plus), Babel Babel se paie le luxe d'être l'album le moins bon d'Indochine depuis leur premier de 1982. Oui oui rien que ça. Et encore, ce dernier avait au moins des tubes légendaires. Allez Nicola, on se ressaisit là, parce que tu risques de donner raison à tous les requins désabusés et autres rabat-joie qui crachaient sur Indochine sans raison depuis 1990.

Anecdote bonus: j'ai écris cette critique exactement 7 ans après avoir écouté et critiqué l'album précédent. Applaudissez moi.