Après le succès tant commercial que critique de 13, vouloir à tout prix renouveler la formule sur Babel Babel, avait autant le potentiel d'être une bénédiction qu'une malédiction. Et ce qui saute aux oreilles à l'écoute de ce nouvel opus, c'est bien cette production calibrée et impeccable, ayant déjà fait le succès du prédécesseur. Impeccable certes, mais imposante également. Car en venant ajouter énormément d'éléments éclectiques à leur electropop soignée, notamment des armées de cuivres, des sections symphoniques et des guitares criantes, Indochine sort un album à la limite de l'étouffant, et manquant cruellement d'organicité. Babel Babel n'offre que très peu de respirations durant son heure vingt-sept. Même les deux titres conclusifs, Le garçon qui rêve et Seul au paradis, accompagnés d'un orchestre symphonique, ont la subtilité sonore d'un bulldozer et le boursoufflement d'une piqûre d'abeille, asphyxiant ainsi toute forme d'émotion. S'il faut reconnaître que le tout sonne extrêmement bien, c'est de la même manière qu'un blockbuster hollywoodien est impressionnant à regarder.
Mais, plus que la production, ce qui vient surtout plomber cet album, ce sont les textes. Bien que les signes avant-coureurs étaient déjà présents sur les deux précédents albums, ils sont ici d'un niveau assez catastrophique, tant dans les thèmes explorés, que dans la faiblesse des champs lexicaux employés. Quasiment pas de fulgurances à sauver, l'album se noie dans les poncifs. Dans le meilleur des cas, il est possible de les reléguer au second plan, dans le pire, ils en deviennent gênants (dans les deux sens du terme, à la fois ils détournent l'attention, et sont embarrassants).
Toujours est-il que tout n'est pas à jeter, à l'image des deux exceptionnelles intros des deux disques. La première, Showtime, est une petite bombe electro sombre et électrisante. La seconde, Babel Babel, offre une aventure exaltante au tempo endiablé. Certains titres parviennent enfin à atteindre une parfaite symbiose, remplie de goût, entre leurs différentes sections instrumentales, à l'image des très belles Girlfriend et Les nouveaux soleils. Toujours une véritable force du groupe, la majorité des mélodies restent extrêmement entêtantes, malgré certaines pouvant se révéler téléphonées (Sanna sur la croix), voire ringardes (En route vers le futur).
Tare d'une énorme majorité des double albums, Babel Babel est trop long, d'au moins un ou deux titre par disque, tandis que d'autres s'étalent trop, proportionnellement aux idées qu'ils présentent. De plus, à l'image de son titre, composé deux fois du même mot, les deux disques de Babel Babel sont construits de la même manière, avec le même agencement du rythme, ce qui ajoute à la lassitude et au fastidieux de l'écoute.