Babel Babel est baroque par essence, tant dans l’hétérogénéité des compositions – structures tantôt classiques tantôt dépourvues de refrain véritable, à la longueur variable – que dans la culture de l’opposition qu’il explore dans ses textes : là où le baroque flamand a servi la Contre-Réforme, celui d’Indochine investit les guerres contemporaines, du Moyen-Orient à l’Ukraine en passant par les « anges du bal » proclamant un droit à la différence par des pratiques, des croyances ou des apparences singulières, engagés dans un conflit avec leur entourage et avec eux-mêmes. L’album, remarquable en tout point, articule la thématique militariste avec celle de la Bible, dont les mythes et l’imagerie sont détournés et réactualisés de façon à interroger la relation qui unit, ou plutôt qui désunit l’homme et la nature, l’individu et la communauté ; revient comme un leitmotiv cauchemardesque la crainte d’une balle dans le dos, métaphore d’un temps de suspicion générale entretenue par politiques, médias et réseaux divers.
Pourtant, ce sont les élans du cœur qui triomphent encore et toujours, en témoignent les envolées naïves empruntées aux contes, de La Belle et la Bête à Peter Pan en passant par le « cheval de bois » de l’enfance, ainsi que la rencontre avec Ana Perrote placée en ouverture là où la voix d’Asia Argento refermait 13 (chanson « Gloria »), chant des cygnes plutôt que d’un seul, acte de foi placé en l’amour de la vie ici saisie et retranscrite dans son chaos.