Tout a commencé par des sons de cloche.
Des sons de cloche devenus mythiques depuis, semblables aux glas débutant l’épique For Whom the Bell Tolls ou encore le lugubre Black Sabbath, une introduction cultissime à en crever et me fichant le frisson à chaque écoute d’une fresque Hard Rock de 5 minutes depuis rentrée dans l’histoire, Hells Bells, y a pire pour démarrer un album de rock.
C’était en 1980, alors que AC/DC, groupe culte s’il en est, ne suscitait que très peu d’espoirs. En effet, le groupe avait déjà donné ses lettres de noblesse au hard rock en général, et accouché de sa messe rock’n’roll en 1977, puis d’un disque magistral et culte en 1979, le dernier avec Bon Scott derrière le micro.
Parce que oui, après le succès de l’intemporel Highway to Hell muni du tube éponyme tout aussi intemporel, le frontman et co-parolier du groupe meurt subitement en 1980, à 33 ans, étouffé dans son propre vomi.
Privés de leur chanteur à la voix rageuse et au charisme rare qui a sa part de responsabilités quant au succès grandissant du groupe, les autres membres et notamment les frères Young dévastés pensent d’abord à arrêter ce road-trip musical, avant d’auditionner un certain Brian Johnson, ex-Geordie, et d’honorer la mémoire de ce bon vieux Bon en continuant l’aventure avec ce nouveau frontman, intronisé donc en 1980 par l’album Back in Black.
Tout commence donc par des sons de cloche, hommage à l’ancienne voix du groupe, et ça ne s’arrête pas là, car s’ensuivent une pléthore de classiques encore scandés aujourd’hui en live par des légions de fans de tous âges et de tous horizons.
Parce Back In Black n’est pas qu’un simple album de hard rock non, c’est une véritable usine à tubes, un mastodonte du genre qui trône toujours dans les tops de nombreux hardos, metalleux et autres agités du bocal, et qui occupe encore aujourd’hui une place à part dans l’histoire du rock et celle de la musique au sens large (l’album étant de plus le second plus gros succès de l’industrie musicale de tous les temps, niveau CV ça reste du lourd).
A l’intérieur du disque noir, (sobriété étonnante pour le groupe, mais pas tant que ça, car on y verra un symbole évident de deuil envers Bon Scott) ne s’enchaînent pas des chansons, mais des hits. Si Hells Bells, épique à souhait, lourd et enivré d'un parfum de deuil est une pépite, il ne faut pas oublier derrière le sulfureux Shoot to Thrill, le tubesque et indémodable Back in Black, véritable hymne que tout le monde connaît et l’entraînant comme jamais You Shook Me All Night Long. Quasiment rien n’est à jeter dans ce disque, rien en fait.
Car même les titres qui n’ont pas bénéficié comme leurs congénères ci-dessus du même statut culte sont d’une efficacité redoutable, en témoignent les excellents What Do You Do for Money Honey , Shake a Leg, Have a Drink on Me, Givin the Dog a Bone taillés pour la radio ou encore la petite "leçon d'amour" sans filtre Let Me Put My Love into You loin des balades niaises de l'époque et l'endiablé et limite militant de Rock and Roll Ain't Noise Pollution qui conclue l'album avec style. Si l'ensemble sera en globalité un peu répétitif, cela ne porte pas préjudice à l'album qui reste un sans-fautes rare et remarquable dans l’histoire du rock.
Tout comme pour les albums précédents, ces tubes puisent leur succès et leur qualité à travers des riffs acérés, une voix typiquement hard-rock (même si pour moi elle reste à quelques lieues derrière celle de Bon Scott), une rythmique quasi-magique et un guitariste soliste toujours aussi virtuose. Une bombe dans le paysage musical d’alors, aussi basique que culte, aussi grossier qu’efficace, le tout auréolé d’une excellente production, et qui prouve que de la simplicité peuvent naître des géants.
Un album indémodable, à cheval entre plusieurs mondes, plusieurs époques différentes, talonnant à la fois le rock’n’roll d’Elvis Presley, le heavy metal strident et lourd des années 1980 des Judas ou Motörhead, le vieux Blues américain tout en restant limite dansant et terriblement groovy, Back in Black est apte à contenter aussi bien le jeune fan de la première heure avide de riffs lourds et de headbanging que le vieux tonton nostalgique au T-Shirt Harley-Davidson, aussi bien le profane que le passionné qui connaît déjà la chanson.
Un album souffrant pourtant d’une fragilité, d’un défaut dans sa cuirasse pourtant indestructible, celui d’être le début de la fin pour le groupe. Suivant un schéma que va répéter Metallica 11 ans plus tard (avec l’album noir), AC/DC a sorti avec Back in Black son dernier grand album et son dernier disque culte, et va à partir de 1981 tomber dans de la redondance et va s’engluer dans des albums passables et oubliables dans leur globalité, dont aucun n’atteindra malgré quelques singles mythiques (For Those about to Rock ou encore Thunderstruck) la majesté et le statut culte de Back in Black.