Suave et Mélancolique Sensualité Surannée
J’ai découvert ce disque, comme beaucoup de monde, lors de sa sortie en 2007. Huit ans ont passé, la vie, l’histoire, ont fait le reste. Le disque reste d’une beauté intégrale, un nu sensuel, charnel où la jeune diva, de toute son âme, se livre sans concession, avec un irrésistible enrobage de pudeur musicale. Un mythe déjà, si tôt. Back To Black en atteste.
Dès Rehab, l’empreinte soul est forte : une voix chaude de charmes chante la désintox avec désinvolture. Amy Winehouse chante la volonté plus forte que tout. L’orchestration derrière elle, est puissante, pleine, ample. Du grand art ! L’interprétation fragile et forte donne tout le relief de la grande petite anglaise qui sait l’efficacité de la concision. You Know I’m No Good, Amy chante au présent sa mélancolie d’une histoire passée, sur l’avertissement pressant des cuivres. Il y a là la précision chirurgicale de la confession, et aucune illusion dans la forme absolument ronde de l’atmosphère. Amy nous offre alors un voyage par-delà le temps, et nous transporte dans une douceur de vivre éclatante, il y a du soleil couchant qui s’éternise dans le jazz lascif de Me & Mr Jones, un slow de caractère qui réclame bonne compagnie.
Back To Black.
Le dosage est précis : la retenue du piano derrière la complainte d’une voix de confidence. Une tension insupportable se prolonge dans un cocon jusqu’au relâchement mélancolique du refrain et de sa chute lugubre. La mort déjà passée, la vie reprend ses droits et nous renvoie dans ce rythme hypnotique dont on ne s’échappe plus : condamnés. Damnation éternelle, le Sisyphe du cœur, et la souffrance pour nourriture, splendide. Un chef d’œuvre magnifique.
Le désenchantement continue, Love is a Losing Game, sans tension, Amy nous abandonne à l’apaisement réaliste de l’acceptation de la fin de toute chose. Tears Dry On Their Own est un autre morceau de bravoure à signaler : la puissance symphonique, la voix parlée d’Amy sur le couplet d’envol, avec l’ombre des grands crooners dans le souffle, l’ambiance est emportée. Amy Winehouse nous emmène encore de l’avant, sans regret. Elle avance coûte que coûte, et l’allant de la chanson nous emporte avec elle.
Il y a du grand classique dans la musique de la jeune diva de Camden, une langueur, une sensualité donné comme une invitation à s’étreindre. Dans les malheurs toujours, du plus lugubre d’un univers sombre, Amy extrait la mélancolie charnelle, suante, et toute en douceur, elle illumine chacune de ces larmes jusqu’au dernier soupir.
Matthieu Marsan-Bacheré