Ombres portées
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le 28 oct. 2015
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Est-il encore nécessaire de présenter Students of Decay ? La maison américaine, gérée par Alex Cobb, semble s'appliquer à sortir des albums tout aussi précieux que singuliers. La liste est longue mais, si l'on se cantonne à quelques noms pour l'année écoulée, Kyle Bobby Dunn & The Infinite Sadness de Kyle Bobby Dunn et The Silent March de Secret Pyramid font figure d'indispensables. Et l'on ne vous cache pas que ce premier LP de Sarah Davachi, qui inaugure l'année, ne déroge en rien à l'excellence à laquelle nous étions habitués, bien au contraire. Barons Court fait suite à deux très belles sorties, chez Important Records et Full Spectrum Records, et surplombe désormais de haut la discographie de la compositrice canadienne, qui semble avoir raffiné encore davantage son art.
Une discographie parcourue de modulations analogiques, puisque cette diplômée en philosophie et musique électronique compose principalement sur des synthétiseurs historiques. Mais outre les Buchla 200 et Music Easel, EMS Synthi AKS, Prophet 5 de Sequential Circuits, ARP String Ensemble et Steiner-Parker Synthacon qui déploient ici leurs nappes, plusieurs instruments acoustiques s'entendent aussi. Une dimension acoustique qui n'était que très discrète sur The Untuning of the Sky, première sortie hypnotique de Davachi qui brillait par son minimalisme épuré et où seul l'harmonium se frayait une place entre les drones synthétiques, mais qui installa déjà timidement ses timbres sur August Harp, sorti l'année dernière.
Sur Barons Court, cette dimension prend forme sur les 3 premiers des 5 titres du disque, où cordes et vents s'immiscent contre les enveloppes analogiques des synthétiseurs pour mieux s'y fondre. Car ce n'est pas tant le nombre d'instruments — électroniques comme acoustiques — qui importe ici, puisque la canadienne n'emprunte que quelques filets du fleuve de leurs fréquences, mais plus l'attention avec laquelle elle entrelace méticuleusement les divers influx entre eux. Comme sur le très beau heliotrope introductif, où l'alto, le hautbois et la flûte semblent attirés par le violoncelle-roi, qui irradie de ses graves les autres instruments, et les piège irrésistiblement dans un tournoiement héliotropique.
Plus l’on s’enfonce dans Barons Court, plus la distinction entre les divers intervenants se fait ténue. Comme si les brumes analogiques s’infiltraient imperceptiblement dans les bois des instruments afin de saisir le contour de leur timbre pour les reconstituer avec leur propre vocabulaire. Au point que l’on pourrait se méprendre à entendre une flûte sur tiergarten, purement analogique. On serait même tentés de croire, sur guildford, sommet de 13 minutes de l’album, qu’un certain jeu de séduction s’opère également entre la flûte et l’EMS Synthi AKS. Alors que le synthétiseur se dresse tel un phare imperturbable, les circonvolutions charmeuses de la flûte (et les cordes beaucoup plus en retrait du violoncelle, tapies sous les nappes) tentent de faire dévier la direction de son éclat. Progressivement, de timides vaguelettes émergent de la surface de son faisceau, jusqu’à entraîner ses rayons apprivoisés dans la chaleur du sillage boisé de la flûte.
Une chaleur qui se ressent tout au long du disque, de celles qui irradient avec douceur nos corps. Car ces étendues de drones qui étirent indéfiniment leurs essences, semblent aussi diffuser une certaine bienveillance. Cette atmosphère rassurante, soutenue par la figure protectrice du personnage féminin qui veille sur l’enceinte de Barons Court (l’intrigant artwork de Daniel Presnell), trouve peut-être son origine à Londres, présent en filigrane sur l’album — les titres de l’album et des pistes réfèrent pour la plupart à des stations du métro londonien, comme l’éblouissant ruislip qui clôt le disque. Une façon peut-être pour la compositrice de revenir sur ses souvenirs dans cette ville, empreints d’un indéniable réconfort.
On ne s’étonnera pas alors de savoir que Sarah Davachi entretient dans son travail un lien avec la psychoacoustique. Ses compositions sont imprégnées d’une sensibilité fascinante, faisant de Barons Court une œuvre majestueuse et magnétique.
http://www.swqw.fr/chroniques/drone-ambiant/sarah-davachi-barons-court.html
Créée
le 10 sept. 2015
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