Quand on s'appelle Geoff Barrow et qu'on a été un des deux Portishead, c'est sûr on attire les auditeurs sur son simple nom. Mais attention, ce nouveau projet intitulé Beak n'a rien à voir avec Portishead. On pouvait s'en douter, la présence vocale de Beth Gibbons étant pour le moins irremplaçable et donnant sa véritable personnalité au duo de Bristol. Là où Portishead émouvait, Beak effraie : avec ce nouveau trio, le cauchemar a déjà commencé. Peu ou pas de chant, à moins que les souffles évanescents, les paroles bredouillées dans le vague et les lamentations dans le lointain puissent être considérés comme des vocaux. Le paresseux The cornubia chanté dans une demie torpeur représente le maximum du « grand public » que pourra nous offrir Beak. L'essentiel est donc ici instrumental, avec le clavier ou plutôt les claviers comme organisateur en chef de la musique. Beak invoque à nouveau le Dieu synthétique comme au temps du Krautrock (Can, Neu). Derrière une batterie métronimique et une basse motorisée, les synthés semblent prendre le pouvoir, machines infernales prêtes à s’emballer et qui font défiler les kilomètres sous nos yeux (Backwell, I know, Iron acton). Ces machines ont ici un cœur qui bat de manière obsédante et finissent à force de répétitions et d’impulsions synthétiques par hypnotiser (Blackdon lake). Mais tout aussi marquants sont les moments aux rythmes plus lents : une vraie musique de lendemain de cuite où les sens, mis à rude épreuve, vous font voir un monde déformé : Pas la peine de pilule avec Pill ; le lourd Ham green martèle son malaise fétide à coup de guitare en forme de gourdin. On pourrait s’imaginer rêvasser avec Batterie Point mais là encore, Beak trouve le contrepoint âpre et brutal pour contrecarrer une guitare atmosphérique. Pas facile d’accès surtout le temps d’un bruitiste Barrow gurney mais dans ce nouveau projet prenant à rebrousse-poil, Geoff Barrow affirme une personnalité radicale.