We sleep in the mornings... We dream of a ship that sails away, a thousand miles away...

Comme très souvent avec Brian Eno, il y a deux facettes dans cet album. Ses anciens album pop-rock, sous influence Bowie (alors que sur la Trilogie Berlinoise c'était l'inverse !), avaient deux facettes dans le sens "cohabitation d'influences sur fond de cérébralité acidulé". En gros, un certain tiraillement artistique entre ses envies de grand calme et sa vive énergie naturelle. "Before and After Science" est son dernier album pop-rock, et en même temps sa transition vers l'ambient qui fera sa gloire d'influenceur sans précédent en terme d'atmosphères hypnotiques. Tout semble avoir été conçu dans cette optique, rien que la pochette l'annonce, le titre le suggère aussi... Le disque entier est franchement lugubre, comparé à ses prédécesseurs. C'est à la fois un Adieu à la première partie de sa carrière et un Bienvenue à tout le reste, pour ses nouvelles inspirations qui lui conviennent bien mieux.
Les deux facettes sont voisines : la facette pop-rock sur la première face, la facette ambient sur la deuxième, tout est d'une logique implacable.
La première face n'est pas nulle, mais elle est pas ouf non plus. "Backwater" est pour moi un bijou : rythme de tonnerre de Dieu, claviers sautillants, arrangements dantesques, c'est un bonheur à écouter et à scander ! Les autres sont cools, mais pas transcendants. "Energy Fools the Magician", premier instrumental, n'ose pas encore plonger complètement, et hormis la partie au clavier, rien ne se dégage de particulier. Les trois autres sont des chansons pop bonnes, mais déjà entendues ailleurs en mieux. Ça reste quand même un très bon moment, mais bon...
ET PUIS Y'A LA PUTAIN DE DEUXIÈME FACE.
C'est franchement pas objectif de mettre 9 avec ce que je pense de la première face. Mais si tout l'album était à l'image de cette face, je peux vous dire qu'il serait immédiatement dans mon top 5. C'est juste impeccable, à la note près. Et pourtant, les 5 chansons racontent 5 choses complètement différentes, autant musicalement que textuellement : "Heres is com" invite au voyage à coups de guitares ensoleillées, claviers mélancoliques et chant dont l'on devine les yeux fermés par la rêverie ; "Julie with..." invite aux interprétations personnelles axées sur l'imagination et le fantasme, par des arrangements inspirants aux nuits pleines de mystères et de contes ; "By this river" est une ode à la dépression et au temps qui passe, porté uniquement par un piano répétant une même mélodie sublime et légèrement agrémentée d'un son cristallin à la fragilité palpable ; "Through Hollow Lands (For Harold Budd)" (avec qui il travaillera sur le remarquable "The Pearl") est un signe d'amitié à la limite de l'horlogerie, où chaque instrument est un rouage, où chaque accord est une porte vers un paysage, majoritairement métaphysique ; "Spiders and I", mon chouchou de Brian Eno carrément, avec des claviers célestes (le pont qui monte et qui monte... fait monter et monter mes poils à chaque fois) et un texte tellement simple qu'il est d'une universalité extraordinaire. Cette chanson réussit l'exploit de me ramener en enfance, juste avec ses évocations, alors que je ne l'ai découvert qu'à 20 ans. Aucune autres n'y est arrivé.
5 titres, 5 planètes, 5 hommes. Et surtout 5 incroyables chefs d'oeuvre. Une échelle de 5 échelons qui fait grimper de plus en plus haut, par-dessus le marché. Travail monumental. J'aurai eu mauvaise conscience de mettre moins de 9 avec cette face ambiente qui est totalement réussie.
Depuis, Eno est devenu un des parrains de ce courant. Il a pris le bateau un matin, et depuis, moi comme tant d'autres, nous le suivons les yeux fermés, du sable sous les paupières et des nuages dans le cerveau.

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le 2 oct. 2019

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Billy98

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