Beggars Banquet c’est en vrac : Brian JONES démobilisé et en souffrance / une pochette censurée qui retarde la sortie du disque de plusieurs mois / l’open tuning de Keith / un nouveau producteur (Jimmy MILLER) / l’éloge de la presse / le septième album studio (britannique) des STONES.
On tourne la page du psychédélisme, on oublie le flower power du Summer of Love, on ressort les bonnes vieilles guitares, bref 1968 n’est pas 1967, surtout que la jeunesse manifeste son mécontentement un peu partout dans le monde. En phase avec l’époque, les ROLLING STONES enregistrent 10 chansons country/blues/folk/rock :
1. Sympathy For The Devil est un heureux mélange de samba et de rock’n’roll sur plus de 6 minutes. Le message, par contre, est plutôt lugubre et terrifiant : Mick passe en revue les évènements dramatiques du XXème siècle, de la révolution d’Octobre à l’assassinat des frères KENNEDY. Le mal aurait-il triomphé du bien ? C’est ce que semble dire les paroles qui inversent complètement les valeurs. A noter que c’est Keith RICHARDS qui tient la basse (en plus de la guitare lead) pour un morceau qui laisse augurer un album exceptionnel.
2. No Expectations est une ballade bluesy particulièrement nostalgique, et c’est surtout l’ultime démonstration du talent d’instrumentiste de Brian JONES (à la guitare slide). C’est en effet la dernière fois qu’il participe – de façon significative – à l’enregistrement d’une chanson des STONES.
3. Dear Doctor illustre le sens de l’ironie de Mick JAGGER à travers l’histoire d’un garçon qui échappe au mariage qui lui était promis contre son gré. Il s’agit d’une ballade country entièrement acoustique.
4. Parachute Woman est à nouveau un titre – assez court – aux sonorités blues et aux paroles explicites. Celles-ci racontent les exploits sexuels des auteurs de la chanson, en langage particulièrement fleuri. Keith est aux guitares (acoustique et lead) et c’est probablement Mick qui joue toutes les parties d’harmonica.
5. Jigsaw Puzzle semble influencé par les chansons de Bob DYLAN avec son texte riche et varié à caractère social (entre autre). Ce country blues est plutôt réussi. En outre, un instrument difficile à définir – au son aigu – intervient à 1’50. Brian JONES en serait-il l’auteur ?
6. Street Fighting Man est le parfait reflet du monde et des évènements violents de 1968 (guerre du Vietnam, assassinats de Martin Luther KING et de Robert KENNEDY, soulèvement réprimé en Tchécoslovaquie, révolte étudiante en France…). Musicalement, il n’y a pas de guitare électrique : Keith enregistre des guitares acoustiques dont le son est saturé jusqu’à la distorsion, tandis que Charlie WATTS utilise deux batteries (en overdub bien sûr) pour un résultat remarquable. Au final, il s’agit d’un rock à la fois brut et mélodieux qui deviendra un classique des STONES.
7. Prodigal Son est un country blues du révérend Robert WILKINS. Il fait référence à la parabole du Fils prodigue, que reprennent donc les STONES. Leur version est 100% acoustique, sans basse, avec un excellent jeu de guitare de la part de Keith, et une interprétation singulière de Mick au chant.
8. Stray Cat Blues : changement de style avec ce rock qui parle d’une groupie de 15 ans prête à tout pour satisfaire un artiste renommé… Ce morceau (qui aurait été inspiré par Heroin du Velvet Underground) se compose d’une partie couplets/refrains suivie d’une partie instrumentale. Pas mal du tout.
9. Factory Girl est une folk song – ironique et très courte – mais plutôt réussie. C’est l’histoire d’un homme qui attend sa girlfriend (au look ridicule) à la sortie de l’usine. A noter, l’apport précieux de Ric GRECH au violon.
10. Salt Of The Earth renvoie à un passage de la bible mais l’expression a évolué et s’applique aujourd’hui à ceux qui luttent : les ouvriers contre les patrons, les faibles contre les forts. Tandis que Keith chante le premier couplet, la combinaison guitare acoustique/piano (assuré par Nicky HOPKINS) est un des points forts du morceau qui bénéficie en outre de l’apport d’une chorale gospel. L’ensemble préfigure You Can’t Always Get What You Want qui sortira l’année suivante sur Let It Bleed.
Sur le plan artistique, Beggars Banquet correspond au début d’une période particulièrement riche (1968-1972), que certains considèrent comme la plus intéressante des ROLLING STONES. Cet album est en tout cas l’un des meilleurs du groupe.