Matthew E. White est un melting-pot à lui tout seul. Ce grand barbu au look d’hippie folkeux est pasteur dans une église du sud des Etats-Unis. Semblant tomber du ciel, le talentueux arrangeur jazz n’en est pourtant pas à son coup d’essai. Il a en effet déjà fait ses preuves avec le groupe The Great White Jenkins. Il a maintenant décidé de voler de ses propres ailes. Enfin presque… Accompagné par un big-band de trente musiciens, il a enregistré ce premier album dans son grenier. Big Inner est attendu pour le 25 février 2013 sur le label Domino.
Déjà disponible en digital, ce LP rayonne par ses 7 titres soul à l’ambiance spirituelle. Pendant 40 minutes, la petite voix du natif de Manille vous guide dans des ballades bucoliques… un style très particulier qui apporte un nécessaire vent de fraîcheur.
La messe commence par One of These Days, une jolie soul ralentie. Le mélange des cordes et des cuivres opère tout de suite. Les choeurs aux voix angéliques se fondent parfaitement dans la masse. La comptine pourrait presque avoir des allures de Beirut. Comme le groupe américain, Matthew E. White réussit à nous emmener dans un décor somptueux. On retrouve les thèmes de l’amour et de Dieu, évidemment.
L’amour, c’est ce qui revient aussi dans le très bon Big Love. Complètement décousu, ce titre impressionne par l’éventail d’instruments utilisés. Entre les cuivres joueurs et l’ambiance joyeuse, on se croirait dans un piano-bar au bord de la mer (cf. les mouettes au début de la chanson). Ou alors dans un saloon rempli de chanteuses gospel, à voir.
Big Inner continue ensuite son périple avec Will You Love Me. Plutôt mélancolique, cette chanson auto-biographique se veut aussi naïve. Comme si elle était le fruit d’un adolescent mal dans sa peau. Le voile vaporeux de l’introduction s’envole au fur et à mesure des secondes. Il laisse la place à une grande prière folk qui réveille nos âmes.
Gone Away est plus que touchante. Écrite la nuit où son jeune cousin est décédé, cette chanson marque par sa langueur et sa sensualité. La timide voix de Matthew E. White cache un profond cri de l’intérieur, une détresse inconsolable. Cependant, le songwriter rend l’atmosphère plus proche d’un baptême que d’un enterrement.
On retrouve vite la joie de vivre avec Steady Space. Une certaine énergie pastorale se dégage de ce titre, une chaleur inédite. A la première écoute, on ne sent pas tout de suite la très bonne ligne de basse. C’est plutôt le piano dynamique qui nous envoûte. Mais peu à peu, la pudeur s’échappe et on rentre dans l’univers presque féerique de l’américain.
Avec Hot Toddies, le charismatique pasteur réussit l’exploit d’arrêter le temps. Frappant comme une complainte, ce morceau a tout ce qu’il y a de plus touchant… Pourtant, 2 minutes avant la fin de la chanson, un gong retentit. Changement d’ambiance puisque l’on rentre alors dans le psychédélisme. Cette nouvelle identité se rapprochant étrangement des rituels vaudous, Matthew E. White n’a pas fini de nous surprendre !
L’album se termine avec Brazos, du nom du fleuve texan Rio Brazos de Dios (“Fleuve des Bras de Dieu“). Pendant 10 minutes, on ne sait plus trop où on est. “Jesus-Christ is our friend” est répété sans cesse, comme pendant un ensorcellement. L’instrumental est particulièrement bien travaillé pour qu’on ne sache plus sur quelle planète nous vivons. Drôle de sensation pour ce final !
Big Inner est un premier album extra-terrestre. Influencé par Randy Newman, le pasteur délivre des chansons lentes et mélodiques. Les orchestrations jonglent entre folk et soul, les paroles entre foi et amour. Tout cela est finalement inclassable, mais c’est ce qui fait la beauté de ce LP.
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